dimanche 10 janvier 2010

vendredi 19 décembre 2008

Entretiens d'actualité n°37

Index nominal des auteurs publiés

du n° 1 (13 octobre 2008) au n° 36 (19 décembre 2008)

établi par Nathalie Marchaison

ENTRETIENS D’ACTUALITÉ

37

le vendredi 19 décembre 2008 (2)

diffusé sur ecf-messager & archivé sur forumpsy.org

ARPIN Dalila : L’analyste-technicien : 15

BANDE-ALCANTUD Adela : Un an au CPCT, témoignage : 25

BASSOLS Miquel : Des mathématiciens, des joueurs d’échecs et des psychanalystes : 27

BIAGI-CHAI Francesca : Entretien avec J.-A. Miller : 9 ; Retour sur la procédure de la passe : 32

CAROZ Gil : L’UPO-Bruxelles : 23

CASTANET Hervé : Questions ouvertes à Juan-les-Pins : 34

CHATENAY Gilles : Légèreté : 7

CHIRIACO Sonia : Furor sanandi : 21

COTTET Serge : Le chemin des écoliers : 21

CRISTELLI-MAILLARD Ester : "SOS Famille en péril" : 26

DE GEORGES Philippe : Un temps de comprendre pour nous tous : 15

DEFFIEUX J.-P. : La constitution des groupes de recherche de l’École : 18 ; Aux responsables : 31 ; Sur les Sections cliniques : 36

DESSAL Gustavo : L’Autre social est mortel pour la psychanalyse : 3

DEWAMBRECHIES-LA SAGNA Carole : Lettre : 5

DHÉRET Jacqueline : 24

EBENSTEIN Elsa : "Rencontres Psychanalytiques" : 22

FARI Pascale : Le phénomène CPCT, symptôme de l’ECF ? : 10

FERNÁNDEZ BLANCO Manuel : La Clinique du Champ freudien à La Corogne : 23

FERNANDEZ Daniela : Entretien avec J.-A. Miller : 11

FORBES Jorge : Lettre : 5

FREDA F.-H. : Entretien avec J.-A. Miller : 13, 14, 16, 17 ; Point de vue : 31

GANIVET-POUMELLEC Anne : "Souffrances au travail" : 22

GARCIA Luc : Psychanalyse pure, psychanalyse appliquée : 27

GAYARD Sophie : Les "rendez-vous de formation", nécessité d’un suspens : 18

GAYDON Armelle : Quelques points vifs : 29

GRASSER Fabien : Intervention au CPCT-Chabrol : 3 ; Une proposition : 8 ; Vers un nouveau CPCT : 28

GRASSER Yasmine : La formation d’analyste dans un CPCT ? : 4 ; Les langues qu’on parle : 25

GUÉGUEN P.-G. : CPCT de Rennes : le règlement intérieur : 3 ; Le goût de la vérité revient : 35

GUENARDEAU Didier : 24

GUEUDAR DELAHAYE Antonia : Le CPCT : obscur objet de désir : 19

HOLVOET Dominique : Sur la passe à l’entrée : 26

INSTITUT DU CHAMP FREUDIEN : L’Autre méchant : 32

JOFFE Joëlle : CPCT et ECF : 27

JUBERT François : 24

KRASSILCHIK Irène : On devient psychanalyste pour poursuivre son analyse : 10

KUNTZ Didier : De la misère à l’ivresse du pouvoir : 19

LA SAGNA Philippe : Où va cette expérience ? : 12 ; Questions à propos de l’entretien 17 : 24

LAURENT Éric : Les niveaux de connaissance : 3 ; Qu’est-ce que "le psychanalyste du CPCT" ? : 15

LAZARUS-MATET Catherine : Lettre : 5

MAHJOUB Lilia : Intervention lors de la Conférence institutionnelle de l’École : 12 ; Vers la matinée de la passe : 34

MAUAS Marco : Lettre : 5

MAUGERI Salvatore : Dans l’après-coup de la Conversation : 29

MERLET Alain : Leçons pour la psychanalyse pure : 7

MILLER Dominique : L’ECF et le Champ freudien : 30

MILLER J.-A. : Entretien avec Jorge Forbes : 1, 2 ; CPCT-Bordeaux : 20 ; Interventions à Barcelone, le 7 novembre 2008 : 33 ; Éditoriaux : 15, 26, 27, 28, 33

MILLER Judith : L’acronyme Pipol : 18 ; 24

MORIN Jean-Loup : Ne pas minimiser la présence effective demandée au CPCT : 15

NAVEAU Pierre : L’École, 1998-2008 : la coupure de 2008 : 30

PIPOL IV : Psychanalyse et Société (Vers Barcelone) : 32

RABINOVICH Deborah : Après le CPCT : 31

ROLLIER Franck : La Conversation de Juan-les-Pins : 29

SEBAN Nathalie : Y'a comme un hiatus... : 30

SEIBERT Ursula : Des limites ? : 25

SOLANO Esthela : La zone d’ombre : 6

SOUTO Simone : Le CPCT de Belo Horizonte : 15

STAVY Y.-Cl. : Dans les services : 25

TAGLE-BARTON Patricia : Réflexions à partir de Lima : 25

TAZEDJIÁN J. C. : Du poids asphyxiant du Grand CPCT : 24

TERRIER Angèle : Quelle formation pour les jeunes praticiens au CPCT ? : 15

ULLMANN Sylvie : L’ÉPOC : 26

VICENS Antoni : Au CPCT de Barcelone : 27

VIEIRA M. A. : Une expérience à Rio : 35 ; 36

VIRET Claude : "Aréa" : 22

WOERLÉ J.-L. : La question de l’ACF : 36

ZULIANI Éric : Propos sur la passe : 6

PUBLIÉ 74 RUE D’ASSAS À PARIS 6è PAR JAM

Entretiens d'actualité n°36

Jean-Pierre Deffieux : Sur les Sections cliniques

J.-L. Woerlé : Sur l’ACF

ENTRETIENS D’ACTUALITÉ

36

le vendredi 19 décembre 2008

diffusé sur ecf-messager & archivé sur forumpsy.org

JEAN-PIERRE DEFFIEUX : Sur les Sections cliniques

Cher Monsieur,

J'ai lu dans l'Entretien 34 le compte-rendu par H. Castanet de la Conversation qui a eu lieu récemment à Juan Les Pins, et qui a concerné en partie les Sections cliniques. Il semble qu’avec la Journée Uforca 2010 se dessinent de nouvelles orientations.

Créer de nouveaux types d'enseignements pour les anciens peut être une excellente chose. Mais est-ce que se dessine aussi une nouvelle orientation des SC : doit-on réserver les enseignements aux psychanalystes en formation ? Ne plus faire d'enseignements de clinique analytique aux travailleurs de la santé mentale et aux étudiants (essentiellement médecins et psychologues) ? – pourtant avides de trouver un enseignement qui fait cruellement défaut dans l'Université. Beaucoup d'entre eux sont en analyse, certains deviendront analystes, mais le but des Sections cliniques jusque-là n'était pas posé comme essentiellement la formation des psychanalystes.

La mission des Sections cliniques n’a pas été jusque-là de former les consultants des CPCT, et il n'est pas souhaitable que cela change. Certains consultants ont suivi les enseignements des Sections, mais ce n'était pas directement pour leur pratique au CPCT, c'était dans le but de leur formation à la clinique analytique.

Ne serait il pas souhaitable que nous abordions ces questions lors d’un Conseil d’Administration d’Uforca ? Nous avons, depuis 10 ans, toujours pris le plus grand soin de réfléchir et de discuter des orientations des SC avec tous les coordinateurs au sein de nos réunions Uforca. Il faut ajouter à cela que plusieurs des arguments donnés me laissent un peu perplexe :

- Je n’ai pas l’impression que "les Journées nationales Uforca sont déconnectées d'une préparation locale". Tous les ans, lors de nos réunions Uforca, les coordinateurs souhaitent connaître le thème de la prochaine Journée assez tôt pour mettre au travail leur section sur ce thème pendant l'année dans les ateliers de recherche et les conférences (nous-mêmes faisons cela).

- Est-ce que "le mouvement d'aspiration a été sacrifié" ? Il est vraiment surprenant de lire cette phrase dans le compte-rendu. Est-ce l’avis général ?

- Quant à "la proposition pratique qui s'en déduit pour 2010", certaines prémisses me paraissent discutables. Ce qui est là proposé n'est pas nouveau, nous avons pendant plusieurs années organisé ces journées en 3 Conversations simultanées, mais aussi nous avons déjà demandé à toutes les Sections d'écrire un texte. Nous n'avons pas continué dans cette voie car la qualité des textes n'était pas à la hauteur de nos espérances, et la dilution de la Conversations en 3 salles risquait d'entamer l'agalma de cette Journée qui a l'intérêt spécifique de rassembler l'ensemble des Sections autour de vous et de l'animation que vous en faites, attendue de tous. Cela perdait de son intérêt, et banalisait cette rencontre pour tendre à en faire un simple colloque.

Si le problème est qu'il faut que tout le monde participe au même titre, on peut être plus vigilant dans les années à venir, et choisir les intervenants selon les Sections.

Bien à vous.

JEAN-LOUIS WOERLÉ : La question de l’ACF (extraits d’une lettre)

"Quid de l’ACF ?" vous ai-je demandé. "Il faudrait en dire un mot" m’avez-vous répondu.

Au courant de l’an 2000, vous aviez évoqué un processus d’ACF-isation de l’Ecole et proposé que soit mis en place des séminaires d’études (à Strasbourg, Nantes, Marseille, Bordeaux et Rennes). Le Conseil a proposé quant à lui que se mettent en place des séminaires internes placés sous la responsabilité des membres de l’ECF dans chaque ACF. Ces séminaires permettent avant tout la lecture des textes de Lacan. En effet, il n’est peut-être pas inutile actuellement de rappeler le but de l’ACF : l’étude de la psychanalyse ainsi que ses connexions et ce en coordination avec les finalités de l’ECF.

Assisterions-nous à une CPCT-isation de l’ACF ? L’utilité publique, les forums, ont introduit de plus en plus la question de notre place dans la société, et ce en lien avec la création du CPCT-Chabrol. "Nous allons dans la cité" est devenu un leit-motiv. Et nous sommes les meilleurs, il n’y a qu’à voir ce que nous arrivons à faire là où les intervenants sociaux se heurtent à des butées, des impasses. A croire que nous allons nous coltiner toute la misère du monde. L’effet thérapeutique est porté aux nues. Admirez notre savoir-faire avec les psychotiques. Et tout ceci donne lieu à des séminaires.

Quel est le risque ? C’est toujours le même qu’en 2000. L’oubli, ou l’affaiblissement de l’étude des textes fondamentaux, ce goût qui ne devrait pas cesser devant l’étude des textes difficiles, ces découvertes à chaque fois nouvelles lors de la relecture des textes.

Cette étude des textes peut s’effectuer selon deux modalités : lors des séminaires d’études ou internes et dans les cartels. Si les cartels sont de l’Ecole, il n’en reste pas moins que les ACF se doivent de tout faire pour en favoriser la constitution, leur fonctionnement mais également l’accueil des produits qui pourra s’effectuer selon diverses modalités. C’est un outil de travail essentiel pour lire Lacan. Mais comment lit-on Lacan actuellement ? A l’aide de votre cours d’orientation lacanienne. Cela suffit-il ? Combien de fois en tant que plus-un n’ai-je demandé à ce qu’on n’oublie pas de lire les références données par Lacan lui-même. Le fait que la cartel soit de l’Ecole favorise ce lien ECF-ACF afin de permettre à l’ACF d’être le "marche-pied" vers l’Ecole selon votre expression lors de la réunion de l’Entente le mois dernier.

En effet, vous avez sans doute remarqué que certains candidats pour être membres des associations de praticiens de la psychanalyse ne passent pas par l’ACF, n’en sont pas membres. Pourquoi ? Un savoir-faire est acquis dans les Sections cliniques, et le candidat désire que cela soit reconnu. Or, l’ACF n’est pas une association de praticiens, mais elle rassemble des personnes d’origine diverse ayant un lien à la psychanalyse.

L’étude de la psychanalyse, le doigt pointé vers l’Ecole, devrait être le pivot de l’ACF. A nous de la rendre vivante.

MARCUS ANDRÉ VIEIRA

Cher Jacques Alain Miller,

Honoré de voir mon Rio dans les "entretiens", je vous écris pour apporter une petite correction à la dernière phrase du texte qui a été véhiculé. C’est que deux mots, qui n’ont pas été transposés, ont changé le sens original de la phrase qui était "Est-ce que la psychanalyse a gagnée, non seulement en visibilité, avec ce genre d’exploration ?"

Merci encore.

PUBLIÉ 74 RUE D’ASSAS À PARIS 6è PAR JAM

jeudi 18 décembre 2008

Entretiens d'actualité n°35

Pierre-Gilles Guéguen : Le goût de la vérité revient

Marcus André Vieira : Une expérience à Rio

ENTRETIENS D’ACTUALITÉ

35

le jeudi 18 décembre 2008

diffusé sur ecf-messager & archivé sur forumpsy.org

PIERRE-GILLES GUÉGUEN : Le goût de la vérité revient

Cher Jacques-Alain Miller,

Dans votre "Théorie de Turin", vous indiquez que la vie d'une Ecole doit être interprétée, qu'elle est interprétable. Qu'une Ecole de psychanalyse de ce point de vue est un sujet.

Le redressement de perspective que vous venez d'opérer depuis septembre et qui se déploie dans votre cours est une interprétation de l'Ecole.

J'en apporte la preuve : pour Freud, la valeur d'une interprétation ne se mesure pas à son exactitude (cf aussi le célébre article de Glover), elle ne se mesure pas à l'assentiment de l'analysant, elle ne se mesure pas non plus à son effet thérapeutique. Elle se mesure à ses conséquences, et plus spécialement au fait qu'elle produit chez le patient la survenue de matériel nouveau.

Je constate depuis plusieurs semaines qu'un "matériel nouveau" sous forme de "formations de l'inconscient" de rêves nouveaux et cruciaux qui surprennent les analysants eux-mêmes apparaît chez ceux qui suivent de près le destin de l'Ecole. L'horizon trop longtemps fixé sur la recherche de l'effet thérapeutique chez ces analysants, sur l'anticipation du moment de conclure par un savoir-faire, s'est levé. Le goût de la vérité revient, non pas par décision, mais parce qu'ils sont à nouveau visités par leurs rêves, intéressés à leur inconscient. Le Sujet Supposé Savoir est remis en fonction. L'Inconscient répond et interprète. C'est la seule évaluation dont nous disposions, elle conduit vers la passe.

Bien cordialement.

MARCUS ANDRÉ VIEIRA : Une expérience à Rio

Cher Jacques Alain Miller,

Je vous écris afin d’apporter un des effets des "entretiens du moment actuel" sur une expérience de travail dans une favela à Rio.

Il y a quelques années, en 2003, dans une discussion avec Ana Lúcia Lutterbach-Holck, l’idée nous est venue de faire un pas de plus en ce qui concernait notre présence dans la ville de Rio. L’idée était double : d’un côté, il s’agissait de traverser certains murs sociaux, de se faire présent là où on ne l’était pas, et de l’autre, voir "si" et "comment" le discours analytique pourrait y prendre place.

Après quelques rencontres avec le dirigeant d’une institution ayant une large tradition de travail dans la plus grande des favelas de Rio, la Maré, il nous a été demandé de recevoir des gens qui auraient besoin d’un "psy". Nous avons décidé de décevoir cette demande. Il n’y aurait pas de traitements, mais tout juste le pari – nous l’avons appelé Digaí ("dites-le") – que des petits groupes de travail inspirés du cartel puissent promouvoir pour certains de ses participants une ouverture à l’inconscient.

Avec quelques jeunes – pour la plupart des élèves de la Section clinique de Rio (l’ICP) – de la fac de psycho, où je fais cours, et quelques collègues membres de l’École et de la Section, nous avons mis en place une porte ouverte à ceux qui seraient d’accord pour parler dans ces petits groupes de leurs problèmes. Pas de subventions, juste les locaux dont le loyer était payé par l’ONG qui nous soutenait.

Le travail s’est poursuivi pendant trois ans, au fil desquels nous l’avons exposé aux collègues de l’École dans des Journées brésiliennes, ainsi qu’à la Rencontre américaine. Puisqu’on voulait que le discours analytique se fasse connaître au-delà des murs où il se trouve dans notre ville, nous avons trouvé important de réunir les situations vécues dans ces petits groupes dans un livre (paru au début de cette année, et dont je vous ai envoyé un exemplaire). Il laissait ouverte la question de savoir s’il est possible de parler de cet usage "clinique" des cartels, s’il est possible que quelqu’un qui fait l’expérience de l’inconscient dans son analyse personnelle puisse fonctionner comme plus-un dans ces cartels, et finalement si cela avait un effet d’ouverture à l’inconscient.

Le temps a donné les réponses suivantes. Le relatif succès du livre nous a fait connaître des responsables d’initiatives sociales et de certains hommes politiques (ici comme ailleurs la présence parmi nous de Romildo do Rêgo Barros a été essentielle). Ils veulent maintenant qu’on participe à leurs projets. Ceci étant, leur demande n’est pas celle des petits groupes, mais plutôt de traiter des grands groupes sur le modèle de conférences, groupes de parole, etc. En effet, on vient de nous offrir de l’argent pour faire ce travail à une échelle qui s’annonce de plus en plus large.

Il me semble qu’un premier cycle vient de se fermer, et en lisant attentivement les "entretiens", on découvre à quel point il ne serait pas sans risques d’en ouvrir un deuxième. Jusqu’ici, nous avons été peu nombreux : à peu près dix jeunes au travail, dix autres entre membres d’école et adhérents dans des "cartels de contrôle".

Ce deuxième cycle s’ouvrirait sur le fait qu’on aura dorénavant de l’argent et le besoin d’embaucher de nouveaux participants, au moment où ceux qui sont là depuis le début commenceraient à former les nouveaux. En quoi ? Tout se passe comme si la question posée dans le livre sur l’utilité du cartel soit devenue une réponse : puisqu’il y en a qui veulent bien payer pour avoir notre outil, il s’en déduit qu’on l’aura. Même en ne croyant pas à cela, il n’en reste pas moins que cet outil entrerait dans le marché.

Il me semble plus prudent que le Digaí poursuive son expérience telle qu’elle a été menée jusqu’ici – avec des gens qui puissent assurer le travail sans être payés, même si cela va à l’encontre des rêves de grandeur dont par moments nous avons été pris. C’est ce que je soutiendrai dans nos prochaines réunions.

Il reste quelques certitudes acquises au long de cette période. Rompre les barrières d’une ville claustrée a été pour chacun une ouverture inoubliable. Et cela, dans le contexte brésilien, ou tout au moins carioca, n’aurait pas été possible si notre porte n’avait pas été ouverte dans des lieux très éloignés de ceux où l’École s’est implantée. Au Brésil et dans d’autres pays d’Amérique latine, ce genre d’initiatives assez hétérodoxe abonde (elles sont plus de soixante-dix, les plus diverses les unes des autres). Il semble qu’elles répondent à des nécessités très particulières à chaque contexte local, et dans ce sens elles ne peuvent être unifiées sans perdre leur originalité et valeur propre.

Ce genre de travail "social" prend de plus en plus de place à côté de ceux qui se font au sein des pouvoirs publics en ce qui concerne un travail qui puisse être enrichissant pour les nouvelles générations. Les jeunes qui sont avec nous poursuivent leur formation, plusieurs sont devenus correspondants de la Section et travaillent dans leurs activités, mais ils ont eu accès à tout un champ dont on ne peut méconnaître l’importance dans notre pays.

Il serait important de prolonger les discussions avec les hommes politiques et qui, sans ce projet auraient été impossibles, car c’est du fait d’avoir crée une place "d’action concrète" que nous sommes invités à y prendre place. Il faudrait trouver un moyen de le faire, un par un, même si la carte d’accès est donnée par une expérience collective comme celle du Digaí.

La frontière entre le social et le clinique est parfois très floue, surtout dans des contextes-limites comme le nôtre. Elle mérite d’être explorée, et c’est ce que le Champ freudien a fait de façon décidé ces dernières années. Il faut en faire le bilan en calculant les excès, mais aussi en supposant qu’il y a eu des acquis du point de vue de la place de la psychanalyse dans la ville. Est-ce que la psychanalyse a gagnée en visibilité, avec ce genre d’exploration ? Il me semble qu’il ne faudrait pas aller trop vite vers le "non".

Merci encore une fois de ce débat essentiel que vous soutenez.

Marcus.

PUBLIÉ 74 RUE D’ASSAS À PARIS 6è PAR JAM

mardi 16 décembre 2008

Entretiens d'actualité n°34

Une contribution de Lilia Mahjoub

Hervé Castanet : Questions ouvertes à Antibes

ENTRETIENS D’ACTUALITÉ

34

le mardi 16 décembre 2008 (2)

diffusé sur ecf-messager & archivé sur forumpsy.org

LILIA MAHJOUB : Vers la matinée de la passe (18 janvier 2009)

La Proposition du 9 octobre 1967, de Jacques Lacan, "implique une cumulation de l’expérience, son recueil et son élucidation, une sériation de sa variété, une notation de ses degrés" (1). Tel est le "travail de doctrine" (2) auquel sont appelés à contribuer les cartels de la Commission de la formation psychanalytique (Commission de la passe).

Depuis quelques années, ces cartels ont communiqué les résultats de cette expérience sous la forme de rapports rédigés à la fin de leurs deux années d’exercice. Ces rapports, fort intéressants, souffrirent néanmoins d’un manque de débat et peut-être même de lecture.

En septembre 2007, après que ses cartels se soient constitués en juillet de la même année, la Commission de la passe se mit à la tâche. Elle décida de renouer avec l’indication de la Proposition quant au travail à faire, en donnant à celui-ci une audience plus vivante et plus propice au débat. D’où l’idée d’organiser des matinées de la passe et dont la Commission vient d’annoncer la tenue de la prochaine, le 18 janvier 2009, au 1, rue Huysmans, de 10 à 13 heures, sous le titre "La passe, par delà les formations de l’inconscient".

La première matinée avait eu lieu le 29 mars 2008, alors que les cartels n’avaient que six mois de fonctionnement. Sous le titre "Les variétés de la passe au XXIème siècle" et le sous-titre "La passe comme moment d’élucidation dans la cure", les membres des cartels s’exprimèrent, un par un, sur leur propre mise dans cette expérience, c'est-à-dire sur leur conception, dans le moment actuel de l’Ecole, de l’analyste de celle-ci.

Le risque était alors de produire des préjugés à ce sujet, alors même qu’il s’agissait de redéfinir les coordonnées de la procédure de la passe. Le terme de "variétés", repris à la Proposition de Lacan, pouvait en effet conduire à tout autre chose qu’à la "sériation de la variété" de l’expérience, et laisser penser que, pour nommer l’analyste de l’Ecole, la passe pouvait s’appuyer sur des moments de cure, c'est-à-dire produire une sorte de clinique de la passe.

Les cartels n’avaient eu à entendre que peu de témoignages, et ceci ne donna pas lieu à une telle production.

De plus, ce n’est pas la quantité du matériel qui devrait primer pour leur permettre une élaboration qui ne relève pas de la clinique.

Depuis septembre dernier, en effet, se précise chaque jour un peu plus que clinique et psychanalyse ont à être sévèrement distinguées en ce qui concerne cette expérience.

C’est au "point de raccord" où le psychanalysant passe au psychanalyste que l’Ecole doit s’intéresser, via la passe, et ainsi "s’employer à dissiper" "l’ombre épaisse" (3) qui recouvre ce point. Or, cette ombre ne cesse pas de se reformer et voue l’Ecole à un travail toujours à recommencer.

C’est sans doute ce qui faisait dire à Lacan, en janvier 1978, à Deauville, que cette passe, "c’est un échec complet". Ce à quoi il ajoutait qu’il fallait être "drôlement mordu […] par Freud principalement, c’est-à-dire croire à cette chose absolument folle qu’on appelle l’inconscient" (4), pour se constituer comme analyste.

L’inconscient, voici un mot qui, comme concept, sera sans arrêt remis sur le métier, par Freud puis ensuite par Lacan.

De notre côté, nous ne pouvons pas faire l’économie de cette interrogation permanente. C’est d’ailleurs à des moments clés de l’histoire de la psychanalyse que cette interrogation est la plus vive. Dès lors, il me parait crucial qu’au moment où la question de la passe s’impose par rapport à la clinique et à la thérapeutique, que nous nous arrêtions à nouveau sur ce concept majeur. Majeur, dirais-je, en ce qu’il a d’impossible à saisir.

Le débat actuel sur l’Ecole, animé par Jacques–Alain Miller, nous montre combien une conception de la psychanalyse prise sous l’angle de la thérapeutique nous éloigne de l’expérience essentielle qu’est la psychanalyse. Dans un contexte où vont s’autoriser des psychothérapeutes pour thérapier le psychisme, des questions cruciales se posent, telles que celles-ci qui s’avèrent étroitement liées : "Qu’est-ce que l’inconscient ?", "Qu’est-ce qu’un psychanalyste ?"

"Qu’est-ce que l’inconscient ?", c’est une question qui ouvre l’intervention de Lacan, à Naples en 1967, et qui s’intitule "La méprise du sujet supposé savoir", et ce, parmi bien d’autres occurrences où cette question est à nouveau posée.

Il est arrivé que le succès thérapeutique soit patent dans un témoignage. Or les cartels de la passe n’ont pas à juger de cet aspect, et n’ont pas ainsi à se transformer en jury de super -cliniciens chargés d’évaluer un certain progrès atteint dans la cure.

Par ailleurs, pour en venir aux formations de l’inconscient, j’ai souvent remarqué que celles-ci, en l’occurrence des rêves, étaient rapportés, dans les témoignages, sous forme d’énoncés comme tels déposés et censés signer un moment de cure, voire sa fin. Ces énoncés ne nous disaient en rien ce qu’il en est du rapport du passant à son inconscient et ainsi livrés laissent croire que gît là l’inconscient réel.

Pourtant, nous sommes en mesure d’attendre que le rapport à l’inconscient de l’analysant soit modifié entre ces deux points de raccord que désigne Lacan dans sa Proposition et qui sont le début, de l’analyse, c’est-à-dire le passage à l’analysant, et la fin de celle-ci, à savoir le passage à l’analyste.

Il conviendrait, sinon d’en suivre le fil, en tout cas d’en saisir la logique. Que devient ainsi la croyance à l’inconscient de l’analysant, quand il est en passe de devenir analyste ? Cette croyance, n’est-ce pas ce qui pourrait avoir valeur de désir inédit de l’analyste ?

Jacques-Alain Miller, dans son cours cette année, en examinant "La finesse d’un acte manqué" de Freud en 1933, nous montre comment celui-ci croit à l’inconscient et ne se tient pas pour quitte avec le sien, malgré tout ce qu’il a pu élaborer depuis sa découverte. De son côté, Lacan n’hésite pas, comme dans son rêve de réveil où des coups sont frappés à sa porte, dans son séminaire de 1964, à faire de même.

Mais, n’y a-t-il pas, dans la façon dont l’enseignement de Lacan est parfois appréhendé dans l’Ecole, à partir notamment de son tout dernier enseignement, quelque chose qui a été passé à la trappe ? En d’autres termes, l’inconscient n’est-t-il pas conçu, après que Lacan parle de l’inconscient réel, comme ce dont il faut se débarrasser. Ce serait une sorte d’idée de liquidation de l’inconscient. Il en irait ainsi de ces récits de rêves, déposés comme autant d’évidences, n’appelant aucun sens, mais qui en réalité sont restés inanalysés. Et ce chemin qui n’a pas été réalisé ne saurait être fait, voire relayé par les cartels de la passe.

La matinée de la passe pourra ainsi prolonger ces questions, et permettre aux membres des cartels de rendre compte de points, de résultats, qui leur paraissent nécessaires à communiquer dans le débat actuel de l’Ecole.

"La passe, par delà les formations de l’inconscient" est un titre qui a été choisi pour indiquer qu’il ne s’agit pas de situer la passe dans un au-delà de l’inconscient, comme une séparation radicale d’avec celui-ci, mais plutôt comme un trajet ou une trajectoire impliquant des modifications de la conception de l’inconscient par le passant.

Et si nous avons parlé, ici, du rêve, le symptôme comme formation de l’inconscient aura aussi bien sa place dans ce questionnement, eu égard à ce que Lacan a développé à ce sujet, jusqu’à la fin de son enseignement.

(1) Lacan Jacques, "Proposition du 9 octobre 1967 sur le psychanalyste de l’Ecole", Autres écrits, Le Seuil, Paris 2001, p. 255.

(2) Ibid., p. 256.

(3) Ibid., p. 252.

(4) Lacan Jacques, "Conclusions", Lettres de l’Ecole n° 23, Bulletin intérieur de l’Ecole freudienne de Paris, avril 1978.

HERVÉ CASTANET : Questions ouvertes à Juan-les-Pins

La Conversation de Juan-les-Pins s’est poursuivie le dimanche matin 7 octobre à propos des Sections cliniques et de la transmission de l’enseignement qui y est donné. Ces échanges ont pu réordonner ce qui s’était débattu le samedi après-midi. In fine, la référence à l’École se dégage. Isolons quelques questions ouvertes en suivant leur ordre d’apparition.

1 - La journée nationale Uforca

Un constat : les Journées nationales Uforca, depuis plusieurs années, se sont déconnectées d’une préparation locale. Un automaton s’est mis en place. Les exposés ont gagné en qualité, mais le mouvement d’aspiration a été sacrifié. Or en stratifiant les niveaux, on apporte la vie. Créer, stratifier crée un appel d’air. En faisant une différenciation interne, on produit une dynamique. L’École fonctionne avec ce principe. C’est ce qu’il faut retrouver pour les Sections cliniques. Il en était autrement lorsque chaque Section était sollicitée pour présenter un texte à la Journée nationale. Le thème choisi était travaillé toute l’année. Une proposition pratique s’en déduit pour 2010 : chaque Section travaille le thème de la Journée nationale. Des séances plénières et plusieurs salles simultanées sont organisées. Un texte de chaque Section est sélectionné.

2 - Nouveaux enseignements dans une Section ?

Que proposer aux participants inscrits dans une Section depuis plus d’une décennie – aux anciens ? Plusieurs propositions sont faites. L’enseignement devrait s’ouvrir à d’autres disciplines : épistémologie, topologie, logique, classiques de la psychiatrie, mais toujours rapportées aux enjeux de la psychanalyse et de sa clinique. Comme pour l’agrégation, on choisit trois auteurs. On prend Aristote une année et l’on poursuit avec d’autres. Ce serait un secteur où il y aurait du nouveau qui nous surprendrait nous-mêmes. Il pourrait y avoir des invités extérieurs. Pensons à des injections, à des piqûres courtes de savoir. Pour faire exemple, le concept de contingence a été évoqué. Il ne s’agit pas pour autant de combler ou de réparer les manques de la culture générale des cliniciens.

3 - Les intervenants au CPCT et les SC

La Section de Nice a pris le parti de créer un Séminaire de psychanalyse appliquée, en référence à l’Atelier de psychanalyse appliquée qui fonctionne dans le Département de psychanalyse (Université Paris 8). Ce n’est pas le cas à Marseille Doit-il être un lieu de préparation à une pratique des traitements au CPCT ? Un débat vif s’ensuit sur ce qui s’enseigne dans une Section. L’idée initiale était que le stage au CPCT était un complément de l’Atelier de psychanalyse. Si l’Atelier devient le moyen d’aller au CPCT, c’est que le CPCT a pris une nouvelle densité et que le contraire du projet initial se réalise – comme un passage à l’envers de la bande de Möbius. La mission des Sections cliniques est une contribution à la formation des psychanalystes. Demain, si on essaye d’y former les consultants du CPCT, c’est foutu ! Les Sections n’ont pas pour projet de former des consultants du CPCT, mais de contribuer à la formation des analystes – voilà leurs objectif et priorité. Une conséquence de dénomination apparaît : si on garde l’expression psychanalyste du CPCT, alors il faut dire que ceux qui consultent au CPCT sont des psychanalystes ou des stagiaires ou des analystes en formation. Les Sections n’ont aucune vocation à former des consultants au CPCT en tant que tels !

4 - Y a-t-il une formation à la psychanalyse appliquée ?

Si on différencie la psychanalyse appliquée et la psychothérapie, la réponse est non. Il y a une formation à la psychanalyse en complément de sa propre analyse dans laquelle l’analysant se fait lecteur de son inconscient. La psychanalyse appliquée, c’est la modélisation de la vérité – c’est la psychanalyse appliquée au mensonge. Par contre, il y a un enseignement de la psychothérapie que la loi va instituer. Nous y prendrons notre part. Un enjeu politique se dégage : le maître contemporain veut des psys à sa main ; il veut les produire au rabais. C’est pourquoi il nous faudra renforcer la qualité de notre formation.

Les psychanalystes sont réticents aux conditions de la civilisation. Il y a un irréconciliable dans la psychanalyse dont le maître ne veut pas. Mais il y a aussi cette demande d’écoute qui est désormais un droit du citoyen. Des formations courtes sont proposées pour y faire réponse. En Angleterre, une formation TCC peut se limiter à trois semaines. On baisse les anti-dépresseurs, on monte les opérateurs psys. La machine sociale continuera à être bien huilée. On connaît le risque qui nous guette : "Et nous sommes devenus ce que nous combattions" (Nietzsche) !

5 - Consultant ou psychanalyste ?

En quoi la position subjective du consultant fonctionne-t-elle différemment de celle de l’analyste ? Pour pratiquer la psychanalyse, il faut désapprendre ce que l’on a appris au CPCT. Dans ce dernier, on apprend à faire ceci ou cela. C’est en lâchant les instruments de cette action que l’analyse est possible. En tant qu’analyste, on se passe des instruments dont on se sert au CPCT. Un exemple : la durée au CPCT est programmée. Or l’analyste, lui, déploie une attitude expectante. Le CPCT fonctionne sur un Ce que je veux, moi, pour le patient et non sur le Che vuoi dégagé dans le transfert. Les exemples peuvent être multipliés. Faudrait-il envisager deux orientations pour les patients qui s’adressent au CPCT ? 1. Un secteur où l’on opère à la Chabrol : sur seize séances, on s’efforce de boucler un effet thérapeutique – ce qui implique une position active, anti-analytique. 2. Un secteur qui introduit à la psychanalyse hors les murs du CPCT en référence aux entretiens préliminaires. Il nous faudra alors lever l’inhibition de ne pas accueillir les patients dans nos cabinets.

6 - L’École

En créant son École puis le dispositif de la passe, Lacan avait un souci d’authenticité. Comment ne pas faire semblant alors que notre champ se prête éminemment à l’imposture ? C’est ce qui poussera Lacan à dire que la position de l’analyste se réduit au prestige social. Le dispositif de la passe a en son cœur cette question de l’authenticité. En tant que névrosés, nous sommes gangrenés par la fausseté : je suis faux. Le langage aussi véhicule cette imposture. Ce qui ne devrait pas changer, pour nous, est cette authenticité. C’est par là que nous nous distinguerons des psychothérapeutes qui, eux, usent des semblants pour ne se protéger d’aucun réel. Repousser les impostures ! Voilà ce qui est à maintenir pour toujours. Il nous appartient de faire passer ce choix dans nos appareils, nos institutions. L’entrée par la passe deviendrait la règle pour devenir membre de l’École mais avec une présélection où le candidat donnerait des preuves objectives de son existence, en particulier au plan national. Une conséquence pour notre ECF en tant que clé de voûte du Champ freudien : parce qu’elle est devenue trop lourde, optons pour une bonne saignée pour retrouver de la vivacité – celle de l’authenticité d’un monde pas sans réel.

Compte rendu établi à partir des notes prises par Elsa Lamberty, Nicole Magallon, Françoise Mary, Claude Van Quynh.

PUBLIÉ 74 RUE D’ASSAS À PARIS 6è PAR JAM

Entretiens d'actualité n°33

Jacques-Alain Miller : Du désir d'insertion, et autres thèmes

ENTRETIENS D'ACTUALITÉ

33

le mardi 16 décembre 2008

diffusé sur ecf-messager & archivé sur forumpsy.org

EDITORIAL

Ces propos improvisés au cours d'une discussion à Barcelone ont été diffusés en espagnol. Leur diffusion en français n'était pas prévue. Mais comme une traduction en a été faite à l'initiative d'une collègue, Pascale Fari, je la communique ici. Les Entretiens d'actualité interrompront leur parution à la fin de cette semaine pour la période des fêtes ; reprise à la mi-janvier. - JAM

Philippe De Georges :

Kretschmer, un incontournable de la clinique des psychoses

Demain à 21h30 au local de l'Ecole, sous la présidence de J.-A. Miller, Ph. De Georges présentera l'œuvre de Kretschmer, et la description minutieuse d'une forme de paranoïa qu'il désigne comme le délire sensitif de relation. Le style qui le distingue des autres grands psychiatres s'exprime dans une phrase décisive : " Strictement parlant, il n'existe pas de paranoïa, mais bien des paranoïaques ". Nous verrons l'actualité de son apport à la clinique, à travers la mise en jeu d'un Autre méchant qui mobilise le regard et la voix, sur fond d'échec humiliant, de dépression et d'asthénie coupable.

JAM :

Interventions à Barcelone, le 7 novembre 2008, traduites de l'espagnol

I

L'anecdote que Mercedes de Francisco a rapportée à propos du pain me rappelle un récit de Ray Bradbury – Vicente Palomera le connaît certainement. L'histoire est projetée dans le futur. Tout le monde calcule avec des ordinateurs, des machines, et l'on a déjà complètement oublié l'ancienne manière de calculer. À un moment donné, au ministère de la Défense des États-Unis ou au Pentagone – quelque chose comme ça… –, quelqu'un arrive en disant qu'une découverte extraordinaire vient d'être faite : on peut calculer avec un papier et un crayon, et cela ne coûte rien. C'est comme ça que je m'en souviens.

Le sentiment que nous avons perdu un savoir ancien et fondamental en le sacrifiant à l'automatisme, à la machine, à la technique, c'est la même chose que l'histoire du pain. Si cela fait écho en nous, c'est que nous ne pouvons pas méconnaître que nous sommes en train de faire l'expérience d'une certaine standardisation – à laquelle nous procédons nous-mêmes – de notre manière d'opérer.

Dans les premiers temps, les analystes apparaissaient comme d'inquiétants sorciers, qui seuls savaient comment s'y prendre. Puis ce savoir-faire s'est répandu, jusqu'à ce que Lacan vienne et en donne les clés fondamentales. Tous ses collègues disaient : "Il ne faut pas dire cela au grand public, ça doit rester entre nous." Lui, il bradait la marchandise, il la donnait même, sans la monnayer, à tous ceux qui venaient à son Séminaire. Après, c'est nous qui sommes venus mettre cela en ordre. Ceux de ma génération – dont certains sont ici présents –, nous avons réordonné les instruments qu'il nous avait laissés. Ce que Lacan avait inventé pas à pas, nous l'avons appréhendé dans son ensemble, nous avons accroché les instruments à leur place, comme on le fait sur un panneau mural de bricolage – la perceuse Black et Decker, la scie, le marteau… Nous sommes maintenant à un autre moment historique, où nous passons à la standardisation de masse. Et les Cpct sont le véhicule de cette standardisation de masse, et de l'usage rapide de ces instruments. Nous devons réfléchir à ce qui est en train de se produire.

Le thème "insertion / dés-insertion" est fait pour cela. Nous pouvons dire, me semble-t-il, que le désir d'insertion est, chez l'être parlant, un désir fondamental. L'être parlant désire s'insérer. Ce que Lacan a appelé le discours de l'Autre – et qui est immédiatement entré dans la psychanalyse en termes de schéma de la communication, d'échange de messages, d'inversion du message… – nous indique en quoi le social est radical : il est la racine. Tel est le sens du titre de Freud, Psychologie des foules et analyse du moi, qui indique que le social est déjà constitué dans la relation analytique. Nous le savons, un désir de dés-insertion chez un sujet, cela peut aller jusqu'au suicide social, ou au suicide tout court.

Deux versants de l'insertion ressortent en effet de cette phrase du Séminaire XVII qui vient d'être commentée par Hebe Tizio et reprise par Miquel Bassols. D'un côté, l'insertion en tant qu'identification. Le sujet s'identifie au S1 ; d'une certaine manière, il meurt dans cette identification : il se fait représenter par un signifiant rigide, c'est en quelque sorte mourir pour être représenté. C'est le mot comme "meurtre de la chose". De l'autre côté, l'insertion en tant que nouvelle vie, lorsque le S2 émerge : renaissance du sujet, et production de l'objet. À mon avis, dans cette phrase, Lacan distingue aliénation et séparation. Il faut le S2, le signifiant du savoir pour faire renaître le sujet. C'est ainsi que le fameux objet a se détache du corps. Dans son écrit "Position de l'inconscient…", commentant le terme séparation, Lacan dit que le sujet désire être pars, être partie, et que ce désir d'être partie, d'appartenir à un tout, a à voir avec l'objet.

" Être partie ", " appartenir ", la clinique nous montre à quel point c'est pour important pour chacun. Quand un sujet perd son appartenance à un groupe, à une association, à une hiérarchie, à un poste de travail, à une entreprise, il s'ensuit régulièrement des effets pathologiques – et ce, même si ce sujet se plaignait de ses conditions de travail. Car cela va bien au-delà du fait de perdre l'argent, le statut, le prestige… Ça touche à l'être, ça touche à l'objet a. D'autres phénomènes en attestent : ainsi, à Paris, des jeunes me décrivent leur plaisir d'être au Cpct, qui est comme une famille, un groupe si confortable, etc. Je peux le comprendre, ce plaisir. Mais c'est bien le problème, parce que dans la psychanalyse chacun est confronté à sa solitude, à son manque, à sa misère… C'est ce qui produit un appel au confort groupal. Toute la question est alors de savoir si nous devons mettre en marche des appareils de contre-solitude, d'appartenance. Lacan pensait que non.

L'École freudienne de Paris était un lieu qui ne fonctionnait pas, qui n'avait pas d'intérieur, l'Assemblée générale annuelle durait quinze minutes, on ne comprenait rien au discours du Secrétaire, il n'y avait aucun document écrit… Lacan demandait : "Y a-t-il des questions ?" Il y avait généralement un ou deux sujets hystériques qui voulaient recevoir un coup sur la tête de la part de Lacan, puis ç'en était terminé. Il n'y avait pas de place pour les plaintes. C'était une bonne période pour la psychanalyse. C'était l'époque durant laquelle Lacan construisait son enseignement, et il y avait beaucoup de gens qui travaillaient Freud. Comme aujourd'hui, ils étaient dans des institutions, mais l'on considérait alors que la question des institutions ne devait pas être posée dans l'École. Au sein de celles-ci, c'était le régime du maître, mais quand on venait à l'École, on pouvait respirer un autre air, et – c'était ça l'important –, se former comme analyste, respirer l'atmosphère du discours analytique. Moyennant quoi, les gens pouvaient se soigner du malaise qu'ils ressentaient dans les institutions.

Nous, on a fait autre chose, les temps sont autres. Mais si, sous prétexte de diffuser la psychanalyse au dehors, nous faisons entrer l'atmosphère du dehors à l'intérieur, si nous nous mettons nous-mêmes à croire ce que nous racontons à l'extérieur – que nous sommes efficaces, que nous sommes la crème, des excellents professionnels, que nous obtenons des effets thérapeutiques tellement rapides qu'ils nous stupéfient nous-mêmes – si nous nous engageons dans un narcissisme aussi débordant, nous continuerons à dire que nous sommes des psychanalystes tout en étant peut-être déjà en train de nous transformer en autre chose, comme dans la pièce de Ionesco, Rhinocéros. Bon, c'est un danger. Je pense qu'il faut le prendre en compte.

Par rapport au thème de la dés-insertion, il faut penser la question du lieu, la place, le site. Dans la conférence qu'il a prononcée sur son enseignement, Lacan commence par le concept de place. C'est une notion qui confine au concept d'espace, d'espace métrique. La place qu'on a par rapport à celle des autres, c'est très important pour tout un chacun. Lorsque se produit un changement dans le rapport des places, on sait les troubles que cela peut produire chez un sujet, par exemple lorsqu'il voit ceux de sa propre génération avancer plus vite dans une hiérarchie. Rien que de très quotidien, mais qui n'en revêt pas moins un sens fondamental.

Lors de la rencontre de Barcelone en juillet prochain, le thème de la dés-insertion doit aussi prendre en compte la dés-insertion de l'analyste, à savoir : dans quelle mesure l'analyste doit-il s'insérer dans le discours de l'Autre, ou s'en dés-insérer, et en quel sens ? Si la position de Lacan n'a jamais été favorable à l'illusion de l'extraterritorialité, il parlait cependant de l'École comme d'une base d'opération contre le malaise de la civilisation. Autrement dit, comment se maintenir à contre-courant des valeurs dominantes, sans être écrasés par elles ? Il y a lieu d'élaborer notre position, puisque la pression sociale sur la psychanalyse est bien plus forte qu'auparavant.

Avant, les politiques ne se préoccupaient pas de la psychanalyse, sauf pour leur famille ou leurs perturbations personnelles ; mais non pas en tant que problème politique. Maintenant, le psy est un problème politique, administratif et social. Nous sommes dans une situation historique inédite d'où il résulte qu'il est plus difficile de penser notre position. D'une certaine manière, nous sommes exilés de l'intérieur, et condamnés à ruser avec les pouvoirs en place. Eux, ils s'appellent (ou nous proposent de les appeler) les partenaires. Nous, nous considérons que ce sont des agents du discours du maître, même s'il n'est pas possible de les nommer ainsi lorsque nous discutons avec eux. Mais entre nous, il est d'autant plus important de nous en souvenir. Diffuser la psychanalyse à l'extérieur peut très vite devenir : ouvrir les portes de nos bases d'opérations pour y faire entrer les agents du discours du maître. Lorsque cela se produit, à mon avis, ça ne va pas. Ces contacts doivent se faire au dehors, il n'y a pas à les transporter à l'intérieur.

Comment élaborer l'extimité analytique dans la société contemporaine ? Je ne crois pas que ce que ce soit impossible. Certains critères permettent de dire "ça, ça va" et "ça, ça ne va pas". Cette élaboration doit être provoquée, et aussi nourrie par beaucoup d'apports. Il n'y a pas de solution dans les livres, pas de formule chez Freud ou Lacan, car ce n'était pas le problème de leur époque. C'est un problème d'aujourd'hui, un problème récent. Ce n'était pas un problème en 1980, ç'en est un en 2008. C'est passionnant, et cela nécessite du courage, celui dont a témoigné Mercedes de Francisco : prendre des positions fortes dans les débats, ne pas laisser les choses sous la table. Voilà ce que nous devons faire.

Nous n'en sommes qu'au début de ce siècle et aux prémices de cette question. Il ne s'agit plus du vieux débat sociopolitique que nous connaissions bien, c'est une chose de ce siècle. Un tournant s'est produit, avec l'Europe, avec le souci de réglementer le titre de psychothérapeute. Tout cela est récent, et nous ne sommes qu'au début d'une longue trajectoire. Nous avons la liberté de discuter énergiquement entre nous, afin de produire une Aufhebung de notre position. Voilà, selon moi, ce dont il s'agit avec PIPOL 4 : il s'agit bien de psychanalyse appliquée, mais de psychanalyse appliquée à la psychanalyse elle-même.

II

Je parlerai sans ambages. C'est, me semble-t-il, nécessaire pour un débat qui soit productif.

Mon intervention a provoqué un certain effet dépressif. Je l'assume avec plaisir, car j'avais perçu une Cpct-manie dans le Champ freudien. C'était comme si tout le Champ freudien allait se reconfigurer à partir du concept, de l'idéologie et de la pratique du Cpct. Cette découverte m'a stupéfié, je l'avoue. Je n'avais pas perçu cela. Ou bien, peut-être avais-je perçu certaines choses sans vouloir les savoir – jusqu'à produire des oublis symptomatiques - dont j'ai dit que je vous ferai partager l'analyse, mais je ne le ferai pas maintenant, ce ne serait pas agréable aux personnes concernées.

Si je n'étais pas intervenu aux dernières Journées de l'École de la Cause freudienne – et je l'ai fait par une suite d'effets contingents –, si je n'avais pas commencé les Entretiens d'actualité, si je n'étais pas venu aujourd'hui à Barcelone, j'estime qu'il en irait très différemment : la Cpct-manie aurait continué. Or, pour sauvegarder le meilleur de notre expérience, nous devons abandonner la Cpct-manie sans nous engluer pour autant dans la Cpct-dépression.

Dans mon idée, dans le désir qui était le mien pour le Cpct – tel que je l'ai moi-même poétiquement baptisé, C.p.c.t., avec assonance –, il s'agissait d'une expérience limitée. Parce qu'elle était dangereuse, parce que c'était une expérience qui comportait un poison. Je l'avais conçue comme une ingestion de poison à dose homéopathique. Et ce poison a tellement plu qu'il s'en boit aujourd'hui des bouteilles et des bouteilles dans le Champ freudien et dans le monde entier. " Un excellent poison, un poison de première qualité… ! " L'expérience Cpct se poursuit depuis cinq ou six ans à Paris, quatre à Barcelone, deux ans ailleurs. Qu'est-ce ? - en comparaison du XXIème siècle. Les premiers pas du bébé… Nous sommes en train de préparer l'avenir.

Cette expérience s'est faits partout, avec une amplitude maximale. Si nous avions continué à la mener à petite échelle, nous aurions perçu quelques dangers, et commencé d'élaborer des réponses. Mais ça, c'est l'idéal, ça ne s'est pas passé comme ça – et ce, certainement pour des raisons fondamentales. C'était comme une ébauche de réconciliation du discours analytique avec la société, avec le discours du maître. Le résultat a été fulgurant. Ce débordement fait partie de l'expérience. C'est une expérience qui était à se déborder elle-même.

Andres Borderías s'est référé à juste titre à ce que dit Lacan dans la "Direction de la cure…" : avec de l'offre, nous avons créé de la demande. Bon. Mais qu'y a-t-il ensuite ? Avec son offre, le psychanalyste crée la demande du sujet, mais il n'y répond pas. Tout l'enjeu est en effet ne pas répondre à la demande créée, à la demande de l'Autre social. Si l'analyste ne répond pas à la demande du sujet, je considère évidemment qu'il ne répond pas non plus à celle de l'Autre social ; il doit répondre à côté de ladite demande. Répondre à la demande de l'Autre social produit les Cpct tels que nous les voyons, qui croissent, sans limite. À l'heure actuelle, pour l'instant, ce sont les membres et ceux qui sont en formation dans l'École qui travaillent dans les Cpct, mais nous devrions sous peu nous mettre à former rapidement des gens pour y travailler, afin de répondre à cette demande croissante. Telle est la logique.

Refuser la demande de l'Autre social, ou l'interpréter sans y répondre directement, me semble plus raisonnable. Faute de quoi, ce n'est pas de la psychanalyse appliquée à la thérapeutique, c'est de l'assistance sociale d'orientation lacanienne. Or, comme l'assistance sociale d'orientation lacanienne n'existe pas, c'est de l'assistance sociale à prétention lacanienne.

Il est urgent, je pense, de ne pas croître davantage, de stopper cette croissance. Nous sommes totalement dans le registre oral. S'agit-il de bouffer l'Autre, ou bien est-ce l'Autre qui nous dévore ? Je ne sais pas. J'ai l'impression que c'est la même chose : nous dévorons ce qu'il nous donne, les subventions dont il nous allaite, tout en étant dévorés par lui – comme le décrivait Esthela Solano lors de la dernière conférence institutionnelle de l'École de la Cause freudienne. Elle, engagée dans cette expérience depuis le départ, nous a dit que, dans le Cpct de Paris, quelque chose nous déborde et nous bouffe. Nous n'en sommes pas encore là en Espagne, mais tous les signes indiquent que nous y allons si nous ne prenons pas un temps de réflexion.

Ce que je dis n'a rien de définitif, je suis ouvert à la controverse, à la réfutation, je ne connais pas suffisamment encore la situation dans ses détails, j'espère pouvoir le faire avec les chiffres. Je me suis déjà trompé par le passé, sans doute me trompé-je maintenant sur certains points, et je me tromperai encore à l'avenir. Je n'ai pas d'orgueil qui m'empêche de le dire. Je souhaite une discussion, mais je ne peux cacher le sentiment d'urgence qui m'anime.

Cela n'a pas seulement été une expérience sur le social, cela a été une expérience sur le désir de l'analyste. Une expérience sur la question de savoir si le désir de l'analyste est suffisamment fort pour que l'on perçoive que certaines choses ne se font pas dans une École de psychanalyse ou dans ses entours. Et je considère que le désir de l'analyste connaît une certaine faiblesse parmi nous.

Ce vocabulaire du "partenaire", je ne peux pas le supporter parmi nous. Après des années d'enseignement de Lacan, avec ce qu'il nous dit du discours du maître, nous voilà à tu et à toi avec les municipalités, les conseils régionaux, les ministres, et nous disons tout le temps : " merci ". Devoir nous défendre, c'est une chose, mais maintenant, entre nous, installer le discours du maître, après tant d'années… C'est quelque chose que je ne comprends pas - et que vous allez m'aider à comprendre.

Peut-être est-ce un phénomène générationnel ? Je suis d'une ancienne génération, qui a été gauchiste. Aujourd'hui, le monde pense autrement. Je suis disposé à l'envisager, je suis prêt à l'accepter. Mais le problème ne disparaîtra pas pour autant.

À suivre

Transcription : Elvira Guilañá. Établissement du texte : Miquel Bassols.

Traduction : Pascale Fari, Nathalie Georges et Ricardo Schabelman.

PUBLIÉ 74 RUE D'ASSAS À PARIS 6è PAR JAM

dimanche 14 décembre 2008

Entretiens d'actualité n°32

"Psychanalyse et Société" ; "L’Autre méchant"

F. Biagi-Chai : La procédure de la passe

ENTRETIENS D’ACTUALITÉ

32

le vendredi 12 décembre 2008

diffusé sur ecf-messager & archivé sur forumpsy.org

ÉDITORIAL

L’année 2009 commencera avec deux événements marquants, qui auront lieu le samedi 31 janvier et le dimanche 1er février : le colloque "Psychanalyse et Société", préambule à la Rencontre PIPOL IV à Barcelone ; la "Conversation sur l’Autre méchant", organisée par l’Institut du Champ freudien.

COLLOQUE "PSYCHANALYSE ET SOCIÉTÉ" (Vers Barcelone)

Samedi 31 janvier 2009, 9 h-17 h 30, École Normale Supérieure, Amphithéâtre Jules Ferry, 29, rue d’Ulm, 75005 Paris.

Ce colloque est organisé par Judith Miller et la commission PIPOL IV, avec la collaboration du RIPA (Réseau d’institutions de psychanalyse appliquée)

Ce colloque, sous un titre peu banal, nous invite à contribuer à une tâche actuellement en cours : penser comment la psychanalyse peut s’inscrire sans céder sur ses finalités dans le monde contemporain, afin de prendre la place qui lui revient dans le XXIe siècle.

Cette tâche est essentiellement celle des Écoles du Champ freudien, mais cela ne dispense pas les instances qu’elles vectorisent d’y contribuer. Plus elles prendront en compte les enseignements de la passe, plus vaste sera le champ des applications de la psychanalyse à la thérapeutique, disait le Président de l’ELP, Xavier Esqué, au Congrès de l’AMP en avril 2008.

L’époque fait de l’analyste un objet nomade, et de la psychanalyse une installation portable (J.-A. Miller, "Vers PIPOL IV"). Ces nouvelles figures rendent compte de la mise en place d’un lieu analytique, le lieu Alpha, où le discours analytique se confronte au malaise de la civilisation, et se propose d’en traiter les symptômes. L’un d’eux est la désinsertion, qui sera le thème de PIPOL IV. (…)

Inscriptions

Individuelle : 50 € par chèque à l’ordre du Champ freudien, 74, rue d’Assas, 75006 Paris.

Formation Médicale Continue : 70 € – Formation permanente : 150 €. S’adresser à UFORCA Secrétariat général, 15, place Charles Gruet, 33000 Bordeaux, uforca@wanadoo.fr, fax : 0556511625.

CONVERSATION SUR L’AUTRE MÉCHANT

Sous la présidence de Jacques-Alain Miller se tiendra à la Maison de la Mutualité, à Paris, le 1er février 2009, la Conversation sur l’Autre méchant.

Le thème sera traité à partir de récits de cas cliniques de Miquel Bassols, Carole Dewambrechies-La Sagna, Antonio Di Ciaccia, Philippe De Georges, Jean-Daniel Matet et Alfredo Zenoni.

D’évidence, l’Autre méchant évoque la paranoïa, la certitude d’être visé par l’Autre. Avant que le délire ne soit constitué, cet Autre est présent sans que le sujet ne puisse donner sens à cette irruption énigmatique. La parole la plus anodine peut révéler une mauvaise intention, la passion amoureuse peut virer à la persécution, célèbre transformation freudienne du "je l’aime" en "il me hait".

Mais l’Autre méchant n’est pas toujours un individu, il peut être aussi l’organe qui vous taraude dans l’hypocondrie ou le surmoi qui vous dévore dans la mélancolie.

Mais la méchanceté de l’Autre est-elle réservée à la psychose ? La plupart du temps, elle est banale. Elle est constituante du sujet. Suivant le stade du miroir de Lacan, le moi humain c’est d’abord l’autre, et le moi se constitue de cette rivalité primordiale avec l’autre, qui dans le registre du narcissisme est de l’ordre du "c’est lui ou c’est moi". Le langage vient pacifier cette lutte à mort dans la névrose mais il en reste toujours quelque chose et tout sujet a toujours un peu l’autre à l’œil pour les meilleurs raisons. L’ambivalence amour-haine de l’obsessionnel à l’égard de l’Autre et de son désir, le reproche et l’insatisfaction que l’hystérique met sur le dos de l’Autre, en sont autant de modalités mineures.

La clinique de l’Autre méchant est donc multiple et variée, elle appelle des distinctions fines.

Maison de la Mutualité, Salon Jussieu-Monge, 24, rue Saint Victor - Paris Ve

Dimanche 1er février 2009 de 10 h à 13 h et de 15 h à 18 h

BULBULLETIN D’INSCRIPTION à adresser à :

UFORCA - 15 place Charles Gruet - 33000 Bordeaux

o INDIVIDUELLE : 70 €

o FORMATION MEDICALE CONTINUE : 90 €

Nom & prÉnom :

Adresse :

Code postal : Ville :

TÉl. : Fax : Email :

Profession :

o FORMATION PERMANENTE : 170 €

Nom & prÉnom :

Adresse :

Code postal : Ville :

Institution :

Adresse complÈte de l’institution :

TÉl. : Fax : Email :

Nom du responsable Formation Permanente :

FRANCESCA BIAGI-CHAI : Retour sur la procédure de la passe

Après une année de suspension de l’expérience, et l’accent progressivement mis du côté du malaise dans la civilisation, force est de constater que de nombreux collègues ne s’y retrouvent plus dans la signification de la passe, comme dans la procédure inséparable de son accomplissement et consubstantielle à son fonctionnement.

A partir du secrétariat de la passe, l’occasion m’a été donnée de constater cet émoussement des repères chez certains postulants et passeurs. Un degré d’idéalisation de la passe me semblait augmenter de manière inversement proportionnelle à une forme de méconnaissance de celle-ci issue de l’usage du signifiant qui en a peut-être usé la réalisation.

C’est ce qui dans l’axe d’un recentrage sur l’Ecole proposé par Jacques-Alain Miller me conduit à formuler ce retour sur la procédure qui rend possible ce dont il s’agit.

"Il va s’agir de structures assurées dans la psychanalyse et de garantir leur effectuation chez le psychanalyste", affirme Lacan dans sa proposition de 1967 sur le psychanalyste de l’Ecole1.

La limite à la théorie, c’est qu’elle ait à se vérifier chez l’analyste comme résultat de la cure, c’est là que le réel fait objection à la formation conçue comme discours de l’université ou apprise comme savoir-faire dans le discours du maître.

Avec la passe Lacan invente un dispositif qui permette de saisir ce qu’il en est du discours de l’analyste, donc sans procéder à partir du discours du maître. Il élabore un dispositif d’un Autre ordre, en rapport avec l’Autre barré. Avec la barre, le trou, aux commandes, l’analyste livre cette réponse ni idéale, ni cynique à la faille dans l’Autre : le désir de l’analyste.

La passe vaut alors moins comme raison scientifique d’une casuistique, qu’en tant que vérification qu’un analyste s’est "formé", laissant persister qu’il puisse y en avoir d’autres et que soit garanti le rapport à l’inconscient dans une Ecole de psychanalyse.

Depuis sa mise en fonction, différents accents ont été mis sur la passe : la passe conclusive témoignage du passage à l’analyste de l’analysant, la passe-"science", la passe "hystoire,", mais aussi "les moments de passe" ou "la passe à l’entrée". Autant de variétés qui se révèlent conformes à la non-existence de la passe comme Autre préalable mais comme Autre sans cesse produit par l’expérience même ; une passe isomorphe au champ de l’Autre barré.

Ces variétés essentielles sont possibles et à fortiori lisibles à condition que la procédure, où le trou, l’inconsistance de l’Autre sont en fonction, demeure quant à elle constante et inchangée.

C’est ce qui fait la passe Une.

Le passeur est la passe, indique Lacan, au moment où le passant la franchit. A cette place, il peut entendre les reliefs, les constructions du passant faisant lui-même dans sa cure l’expérience du désêtre non sans appartenance au discours analytique où s’établit la différence avec toutes les formes de nihilisme. Aussi, est-il le mieux situé pour transmettre l’épaisseur d’une modification qui va de l’impuissance du symptôme et sa résistance au réel par la démesure imaginaire à l’impossible comme démonstration et consentement au réel.

Mais pour que ce témoignage le traverse comme passeur, il ne peut vouloir occuper cette place. Elle lui est indiquée par son analyste. Celui-ci est un AME et ce titre par lequel l’Ecole reconnaît l’analyste "ayant fait ses preuves" est lui aussi attribué sans avoir été prétendu. Enfin, point de ligne droite, un deuxième passeur élargit l’espace du témoignage.

Cette procédure, dont la durée est à la charge du passant, en mettant l’accent sur ce qui passe, délivre au cartel un savoir assez épuré des effets imaginaires, elle opère une véritable subversion de la séduction par lalangue. Une psychanalyse transmise par Lalangue du passant au cartel n’est pas sans conséquences. Le cartel, dans le vide de la cooptation et de la hiérarchie, "ne peut donc s’abstenir d’un travail de doctrine, au-delà de son fonctionnement de sélecteur"2. Dans la négation qui implique la nécessité, se loge le rapport du cartel à la cause et l’avancée du discours.

Pour conclure, j’interrogerai la place et le rôle du secrétariat, première étape pour celui qui demande à faire la passe. On a pu dire que le secrétariat avait la fonction de filtre discret ; en réalité, il est tout entier pris dans la logique et la topologie de la passe. La demande adressée par écrit concède encore un peu au formalisme détaché de sa réalité subjective. La rencontre avec un secrétaire de la passe induit une mise au point pour le postulant lui-même et dénude une signification de sa demande qui parfois n’est pas celle qu’il croyait. Le secrétaire supposé par le signifiant passe à une fonction d’accueil inédite, d’une demande qui ne l’est pas moins opère comme un révélateur au service de cette mise au point. Bernard Seynhaeve nommé récemment AE en a rendu compte, sa rencontre avec Yasmine Grasser lui a permis de commuer la décision en acte.

C’est auprès du secrétariat que se fait le tirage au sort des passeurs et que la procédure s’engage, ensuite il n’y pas de retour, de jonction entre les passeurs et le secrétaire. La passe met en marche une circulation de savoir vers, vers l’Autre, sans rien attendre d’une complétude. Isoler ce qu’il en est du discours analytique comme le voulait Lacan, voilà qui est urgent.

1. Jacques Lacan, "Proposition sur le psychanalyste de l’Ecole", Autres écrits, Seuil, 2001, p. 243.

2. Ibid., p. 256.

PUBLIÉ 74 RUE D’ASSAS À PARIS 6è PAR JAM