jeudi 20 novembre 2008

Entretiens d'actualité n°18

Jean-Pierre Deffieux : Sur les groupes de recherche

Sophie Gayard : Les "Rendez-vous de formation", nécessité d’un suspens

Judith Miller : PIPOL

ENTRETIENS D’ACTUALITÉ

18

le mardi 18 novembre 2008

JUDITH MILLER: L’acronyme Pipol

L’acronyme Pipol a été inventé par Jacques-Alain Miller,alors délégué général de l’AMP, dans une réunion chez un collègue et ami à Bruxelles en 2 002, l’avant veille du IIIe Congrès de l’AMP. Il a été porté par lui à la connaissance des membres présents au cocktail d’ouverture.

La mise en œuvre de ce programme a débuté dès l’année suivante avec la première Rencontre Pipol (14 et 15 –juin 2 003), qui rendait effectifs tant le découplage de la Rencontre internationale du Champ freudien en deux Rencontres, l’européenne et l’américaine, que leur tenue de part et d’autre de l’Atlantique les années impaires, en alternance avec les Congrès de l’AMP .

Les trois Rencontres européennes du Champ freudien ont suivi scrupuleusement l’explicitation de l’acronyme Pipol lors de son invention : Programme International de recherches sur la Psychanalyse appliquée d’Orientation Lacanienne, dans leurs arguments, leurs affiches, leurs travaux et les volumes correspondants (Pertinences de la psychanalyse appliquée (Seuil), Les effets thérapeutiques rapides en psychanalyse. Conversation de Barcelone Navarin éditeur, le n° 20 de Mental. Revue internationale de santé mentale et de psychanalyse appliquée).

L’explicitation de l’acronyme Pipol peut être modifiée, et doit l’être pour mieux développer le programme qu’il désigne. Elle ne comporte pas que soit corrigée quelque erreur, elle permet d’actualiser au moment voulu ce programme.

Je ne doute pas que la Commission de la Rencontre Pipol IV, dont je fais partie, en tiendra compte pour traiter rigoureusement son thème, mis en place par l’intervention de Jacques-Alain Miller ‘Vers Pipol IV", à la fin de la Rencontre Pipol III, le 1er juillet 2 007, "Clinique et pragmatique de la désinsertion en psychanalyse", les 11 et 12 juillet 2 009 à Barcelone.

Le 13 novembre 2008

JEAN-PIERRE DEFFIEUX : La constitution des groupes de recherche de l’Ecole

Il existait déjà depuis deux ans 3 cartels de recherche de l’ECF, un sur la schizophrénie, un sur l’autisme et un sur le sujet entre les langues. Un groupe de recherche sur la psychose ordinaire était déjà en fonctionnement.

Hugo Freda m’a proposé d’y ajouter 5 thèmes : La dépression, l’obésité, les progrès de la science et son incidence sur le sujet contemporain, la précarité et l’adolescence.

J’ai ensuite dans une lettre à ECF débats en mars 2008 proposé à ceux qui souhaitaient s’y inscrire de bien vouloir m’adresser un email. Toutes les personnes qui travaillaient déjà dans divers groupes sur ces thèmes et qui ont souhaité rejoindre les groupes de recherche de l’ECF ont du m’écrire au un par un pour demander leur admission.

Enfin, dans les semaines ou mois qui ont suivi, 4 personnes ont proposé d’animer un groupe de recherche sur les thèmes suivants : Les traitements courts et les nouveaux symptômes, Femmes maltraitées, Clinique de l’exclusion et addictions ;

Certains de ces thèmes avaient déjà été travaillés au sein du CPCT Chabrol. Il a été clairement dit et écrit à chacun des responsables que s’ils voulaient créer un groupe de recherche au sein de l’Ecole, ce groupe devrait être tout à fait dissocié des groupes CPCT , d’ailleurs à ces groupes sont venus s’adjoindre d’autres personnes qui n’avaient aucun lien avec les CPCT.

Les demandes de subvention

Lors de la première réunion des responsables des groupes de recherche à Paris le 17 mai 2008 en présence du président et du Bureau de l’ECF, a été évoqué une demande faite auprès de Mme Bachelot concernant la recherche sur l’autisme ainsi qu’une association possible entre le groupe de recherche sur l’autisme et le CPCT dans un projet de recherche action. Il a été proposé de constituer une commission de 2 ou 3 personnes pour trouver des appels d’offre en santé mentale.

Après réflexion et dés la rédaction que j’ai faite du compte rendu de cette réunion, j’ai décidé de ne pas poursuivre dans cette voie et tout projet de subvention a été aussitôt abandonné au sein des groupes de recherche de l’ECF.

A propos des effets de groupe

Lacan a dénoncé les "effets de groupe", et il a inventé le cartel pour, à la fois, donner sa place au groupe au sein de l’Ecole et en canaliser les effets. En effet, à moins d’un autisme total, on ne voit pas comment on éviterait le groupe, qui commence à deux. Ne travailler que seul irait contre l’idée d’une Ecole. Des précautions sérieuses ont été prises pour tempérer les effets de groupe dans les groupes de recherche: si ceux-ci n’ont pas de durée définie, ils ne doivent persister que le temps d’obtenir les résultats qu’ils se sont fixés; une fois leur but atteint, ils se dissolvent, et d’autres se constituent.

L’avenir

Lorsque ces groupes ont été créés, l’idée était que les cartels dans l’Ecole travaillaient plutôt des thèmes de psychanalyse "pure", des textes de Lacan et les groupes de recherche des thèmes de psychanalyse appliquée qui visaient à défendre nos positions cliniques face à l’envahisseur cognitiviste.

Mais nous avons déjà modifié un peu cette approche, un groupe vient de se créer sur le thème du désir de l’analyste. Pourquoi ne pas, à côté de ce qui existe déjà créer des groupes de recherche sur différents thèmes qui porteraient sur une réflexion de la passe aujourd’hui ?

Deux secteurs dans les groupes de recherche de l’ECF, un secteur qui existe déjà sur la clinique et les nouveaux symptômes et un secteur à venir sur une recherche sur la formation de l’analyste.

SOPHIE GAYARD : Les "rendez-vous de formation", nécessité d’un suspens

Pour contribuer au débat actuel sur le CPCT qui nous conduit à en réexaminer tous les éléments, peut-être n’est-il pas inutile de rappeler quelques points concernant les "rendez-vous de formation". Ni pour les mettre en accusation, ni pour les défendre, plutôt pour dresser un état des lieux, dissiper si possible quelques malentendus, tenter de saisir la logique qui les sous-tend, repérer les points d’impasse éventuels et en tirer les conséquences.

C’est la tâche à laquelle nous sommes, me semble-t-il, conviés par Jacques-Alain Miller : c’est une chance. Pour ma part, il ne m’était pas apparu jusqu’alors combien ces "rendez-vous de formation" étaient en fait intrinsèquement liés à la conception générale que l’on pouvait se faire du CPCT, et pouvaient ainsi se trouver au cœur de bien des contradictions.

Etat des lieux

Depuis trois ans, le CPCT-Chabrol a mis en place des "rendez-vous de formation". De quoi s’agit-il ? D’après-midi de travail qui relèvent de la formation permanente, activité pour laquelle le CPCT possède un agrément. Dans ce cadre, le CPCT peut ainsi proposer des activités de formation à des professionnels du secteur médico-social, sanitaire, éducatif, intéressés par la psychanalyse d’orientation lacanienne et l’expérience clinique du CPCT. Chaque "rendez-vous de formation" est organisé autour d’un thème. Une introduction en situe les enjeux théoriques, des exposés de cas cliniques illustrent la problématique soumise à l’étude, et une conclusion en fait la reprise en tentant d’articuler clinique et théorie et d’affiner les questions évoquées.

Succès

C’est un fait, d’emblée, ces "rendez-vous de formation" ont rencontré du succès. En témoigne le nombre des inscrits, environ 150 à chaque fois. Ils ont sans doute concouru à faire connaître le CPCT.

C’est un succès de plusieurs ordres :

1) un apport financier non négligeable pour le CPCT, ce qui a fait partie des raisons qui ont présidé à leur création ;

2) la satisfaction du public, attestée par son nombre, sa fidélité à participer de nouveau aux "rendez-vous de formation" suivants, et surtout son intérêt manifeste dans la vivacité des débats avec les intervenants. S’est vérifiée l’attente de professionnels qui pour certains cherchent des éclairages susceptibles de les aider à s’orienter dans les problèmes rencontrés dans leur pratique et interpellent la psychanalyse ;

3) la satisfaction des collègues du CPCT : les collègues sollicités sont toujours très favorables pour y participer.

Raisons mêlées

Pourquoi cet enthousiasme du côté du CPCT? Je pense que plusieurs éléments s’y sont trouvés mêlés :

1) Le désir de faire savoir quelque chose de l’expérience originale que représente le CPCT dans le champ de la psychanalyse appliquée a d’emblée été présent. L’"expérience CPCT" ne semblait pas concevable sans la transmission de cette expérience. C’est peut-être un premier biais qui s’est glissé dans la conception de ces "rendez-vous de formation" : le risque qu’ils deviennent de façon trop privilégiée le lieu de la transmission de l’expérience du CPCT. Le problème est alors celui de l’adresse, masquée par la demande émanant du champ social.

2) Les "rendez-vous de formation" ont aussi été des occasions de rendre compte du travail clinique effectué au CPCT, d’essayer d’en formaliser au mieux les arêtes, d’en tirer enseignement. En cela, on pourrait dire qu’ils ont participé à la "formation" des participants du CPCT, mettant chaque intervenant au travail.

3) Mais aussi, et peut-être surtout, les "rendez-vous de formation" concourent à la présence de la psychanalyse dans le champ médico-social, sanitaire ou éducatif qui tente actuellement plutôt de la chasser. En ce sens, ils participent, même de façon modeste, à notre combat pour la défense de la psychanalyse. L’idée a donc été de miser sur les effets d’après-coup de ces rencontres, toujours imprévisibles certes mais possibles, dans le lien à la psychanalyse des participants présents à ces après-midi de travail.

Moyen ou fin en soi

Ainsi les "rendez-vous de formation" m’étaient-ils apparus, dès leur création, dans le droit fil de la conception que je m’étais faite de ce qu’était le CPCT : un outil, et plus précisément un outil de l’École, un outil parmi d’autres, pour la psychanalyse. Les "rendez-vous de formation" étaient donc un petit outil du CPCT, lui-même outil de l’École, au service de la psychanalyse, même si ce n’était que dans le champ restreint de la psychanalyse appliquée à la thérapeutique. Donc, pas de problème ! Et pourtant J.-A. Miller nous fait entrevoir qu’il y a un problème. Comment le formuler ? Peut-être le CPCT n’était-il pas fondé à se lancer dans cette activité ? À vrai dire, personne d’entre nous, à ma connaissance, au CPCT, n’a dit que non. La question n’est-elle pas plutôt, et nous n’y avons sans doute pas assez réfléchi : de qui le CPCT se fait-il le partenaire dans cette entreprise des "rendez-vous de formation" ?

Sous cet angle, la question des "rendez-vous de formation" rejoint alors le cœur du questionnement actuel sur ce qu’est effectivement le CPCT, sur ce qu’on souhaiterait qu’il soit, sur ce qu’on en attend ou pas, sur la place qui devrait être la sienne, sur sa fonction, modeste au départ, et qui ne doit pas être une fin en soi, sur son articulation avec l’École, les différents groupes du Champ freudien, la Section clinique, etc…

Laboratoire et expérience ou institution et fonctionnement

En effet, selon l’idée que l’on se fait du CPCT, alors les "rendez-vous de formation" sont ou ne sont pas pertinents. Si le CPCT était le petit laboratoire expérimental que J.-A. Miller explique qu’il souhaitait au départ, alors il n’était pas justifié de proposer à un assez vaste public des séquences relevant de la formation permanente. Le CPCT avait alors uniquement à rendre compte des résultats de son expérience à un cercle plus restreint, à l’École qui en avait soutenu la création, et devait donc alors recueillir les fruits éventuels de l’expérience. Si en revanche le CPCT devenait une institution, qui, malgré sa particularité, prenait place dans le paysage général des institutions et donc dans le champ social, une autre logique était alors à l’œuvre. Il fallait alors faire connaître le CPCT et l’un des moyens était de prendre place sur ce "marché" des formations qui est un enjeu important (tous les collègues travaillant dans des institutions de soin savent bien que ces dernières années, toutes les "formations" se référant à la psychanalyse ont quasiment disparu des plans de formation des établissements).

Confusion ?

Le débat est ancien et a été soulevé depuis le début des "rendez-vous de formation" : le terme de "formation" prête-t-il à confusion ? Pour ma part, je ne le pense pas. Je crois qu’était clair pour chacun au CPCT que ces "rendez-vous de formation" ne relevaient pas de la formation de l’analyste, mais s’inscrivaient dans le champ du social au rang de ce que proposent de nombreuses institutions au titre de la formation permanente. Enfin, il n’a jamais été question de donner des recettes cliniques à qui que ce soit, mais au contraire de défendre une clinique du cas par cas, de tenter d’en faire valoir la rigueur et le sérieux – qui à mon avis n’ont jamais manqué à aucun des exposés, cliniques ou théoriques, tenus dans le cadre de ces "rendez-vous de formation" –, de rappeler qu’elle n’est possible que du fait de la longue formation analytique personnelle des praticiens.

Actualité

Le 3ème et dernier "rendez-vous de formation" de l’année 2008 aura lieu, dans moins d’un mois, le samedi 29 novembre sous le titre " Dépression(s) en question(s) ", thème choisi dans la continuité du colloque Dépression de février 2008. C’était une façon de faire savoir que les vives réactions du moment n’étaient pas un feu de paille, vite consumé, mais que des psychanalystes continuaient à s’opposer fermement aux confusions et à l’uniformisation des diagnostics sous le diktat du "trouble" et aux pratiques préconisées par les cognitivistes et sous la pression des laboratoires pharmaceutiques, proposant en revanche une autre approche clinique susceptible de rendre compte de la pertinence de sa méthode et de ses résultats.

Je pense que, malgré le questionnement actuel sur le CPCT, il faut maintenir ce "rendez-vous de formation". Il ne me semble pas opportun de jeter un éventuel discrédit sur ce qui s’est fait jusqu’alors par une annulation bruyante, difficile à justifier auprès d’un public peu averti du moment que nous traversons.

Nécessité d’un suspens

En revanche, il me paraît nécessaire de suspendre la poursuite de ces "rendez-vous de formation" pour 2009, et donc de mettre un point d’arrêt à l’automaton dans lequel ils commençaient à être pris. Peut-être est-ce là un des points dont nous souffrons au CPCT : le fonctionnement a inévitablement pris le pas sur l’expérience, cela est lié au facteur temps (une expérience se modifie au fil des années) et au facteur nombre (le nombre des intervenants modifie l’organisation et aussi les liens entre les différents intervenants).

Déjà, on nous demande le programme pour l’année prochaine, déjà des inscriptions pourraient être prises : disons non pour le moment.

Plutôt que de continuer à répondre à la demande qui nous est faite, privons nous de la satisfaction d’y répondre, et suspendons notre réponse à la réflexion générale en cours sur le CPCT. Celle-ci débouchera peut-être sur une nouvelle donne, sur une nouvelle offre, plus articulée à une politique d’ensemble de la psychanalyse d’orientation lacanienne à laquelle, je l’espère, le CPCT continuera à prendre part.

Reçu le 5 novembre 2008