jeudi 27 novembre 2008

Entretiens d'actualité n°22

Il n’y a pas que les CPCT :

Elsa Ebenstein, Anne Ganivet-Poumellec, et Claude Viret

ENTRETIENS D’ACTUALITÉ

22

le jeudi 27 novembre 2008

ELSA EBENSTEIN : " Rencontres Psychanalytiques "

Cher Jacques Alain Miller,

Comme convenu, je vous adresse pour vos " Entretiens " quelques éléments sur " Rencontres Psychanalytiques ", centre de consultations associatif installé dans un appartement HLM qui nous est prêté par la ville de l’Ile-Saint-Denis.

La création

En avril 2005, lors d’un échange que nous avions eu sur le site Œdipe, vous m’aviez notamment écrit : " Si j’avais à donner un conseil à de jeunes praticiens déçus de ne pas trouver auprès des Écoles et Associations existantes l’accueil empressé qu’ils espéraient, ce serait de compter sur leurs propres forces, de s’associer à quelques-uns, et de créer un groupe auto-régulé, vivant sous ses propres lois, mais enfin sous des lois, chacun co-responsable des autres. A défaut de garantie de l’État, se donner en groupe une garantie. C’est la solution traditionnelle du mouvement analytique, c’est la solution exposée par Lacan en 1967. Après, en effet, il s’agit de savoir quelle crédibilité ce groupe est susceptible de gagner dans le public. Mais déjà, s’associer et se garantir mutuellement, c’est un pas. "

Ce conseil n’est pas resté sans suite. Il est intervenu comme un encouragement alors que j’étais au travail, avec quelques collègues de l’association (a)lpha, pour créer un centre de consultations psychanalytiques en Seine Saint Denis. (A l’initiative de Benoit Drunat et Armelle Gaydon, l’association alpha a mis au travail – dans un même mouvement – la question de la psychanalyse laïque et celle de sa défense face aux réglementations à venir. (a)lpha a participé, aux marges mais avec enthousiasme, aux Forums que vous avez initiés.)

Nous pensions en effet que malgré la convergence d’attaques multiples, la pratique en libéral, dans un milieu socialement et culturellement privilégié, n’était pas directement menacée. En revanche, on verrait s’accélérer le triple phénomène de psychologisation du malaise social, de pénalisation de la détresse psychique et de normalisation thérapeutique des comportements. En banlieue notamment, les possibilités de rencontrer un psychanalyste au détour d’une plainte, de faire entendre quelque chose de son symptôme, déjà peu nombreuses, allaient encore se raréfier.

La rencontre est toujours contingente. Sa dimension même de rencontre ne se mesure que dans l’après-coup. Que pouvions-nous faire, à notre petite échelle, pour en maintenir quelques chances?

Nous étions d’autre part agacés par les propos de ceux de nos aînés qui considéraient que leur activité n’étant guère touchée, la psychanalyse ne l’était pas non plus. Nous irritait aussi le paradoxe selon lequel, puisque le psychanalyste est laïc en tant que produit de sa cure, peu importe qu’il soit de surcroît tenu d’être diplômé.

S’en tenir publiquement aux seuls signifiants " psychanalyse " et " psychanalystes ", c’est courir le risque d’en user comme idéaux. Mais accepter de revêtir les déguisements imposés par l’Autre social, c’est courir celui de " la fin du discours analytique, rongé de l’intérieur par le discours commun ", comme vous l’avez récemment mentionné dans votre entretien avec Jorge Forbes. Lequel de ces deux risques nous paraissait le moindre?

En novembre 2005, nous avons créé " Rencontres psychanalytiques ". En septembre 2008, le centre de consultations, fruit du travail d’une équipe en grande partie renouvelée, a ouvert ses portes. C’est notre façon de répondre en acte aux questions – toujours ouvertes - que nous nous posions.

Le fonctionnement

Notre fonctionnement reflète notre ambition d’échapper aux exigences du maître contemporain. Nous avons fait le pari que l’offre créerait une demande. Et nous avons choisi d’accueillir celle-ci sans ségrégation tenant à la situation sociale, à la structure psychique ou aux formes du malaise. Le centre de consultations est assez modeste pour ne pas nécessiter de subvention sans pour cela nous soumettre aux lois du marché.

Nous sommes une dizaine à recevoir sur rendez-vous celles et ceux qui le veulent. Chacun assure bénévolement une plage hebdomadaire de trois ou quatre heures. Le secrétariat, réduit à sa plus simple expression, est tournant.

Ni durée limitée, ni gratuité. Chacun s’efforce, lors des entretiens préliminaires, de distinguer ce qui relève de la psychanalyse appliquée et ce qui relève de la psychanalyse pure. Notre désir nous porte plutôt vers la seconde, nous ne nous interdisons pas la première… ce qui se dessine puis se décide dépend de la rencontre singulière de ce désir avec chaque demande.

Nous essayons de nous tenir à la hauteur de notre éthique et de donner quelque contenu à l’effet de garantie produit par l’association grâce à un dispositif de travail commun :

- Petits groupes ponctuels sur les cas, laissés à la libre initiative des psychanalystes du centre ;

- Atelier clinique mensuel, animé par son responsable, Eric Villette. Cet atelier se réunit une fois sur deux en présence d’une extime, analyste de l’Ecole, Marie-Hélène Roch.

Notre association n’a en principe vocation ni à faciliter le moment où un analyste s’autorise " de lui-même ", ni à constituer les " quelques autres " qui complètent la proposition. S’il y a parmi nous des psychanalystes " en formation ", c’est autant que la dite formation est infinie. Chacun conserve donc, outre un contrôle personnel par définition hors de l’association, les liens plus ou moins étroits qui lui sont propres avec le Champ Freudien et l’Ecole.

Et après ?

Il est bien trop tôt pour tirer les enseignements de ce que nous faisons. Pourtant, nous pouvons déjà constater quelques succès :

- Un soutien politique et matériel de la mairie, convaincue par un discours qui se situe à contre-courant du traitement psychologique de la misère. Les élus respectent la singularité de notre position.

- Un accueil plus que favorable du CMP voisin, qui nous adresse des patients et dont l’équipe de psychologues sollicite notre contribution pour orienter son propre travail.

- Surtout, l’arrivée régulière de demandes de rendez-vous, des rencontres où se manifeste la surprise d’être entendu, quelques sujets déjà pour lesquels une interprétation bienvenue a permis une ouverture de l’inconscient.

J’espère être amenée à vous reparler régulièrement de " Rencontres Psychanalytiques ", lorsqu’il sera possible de témoigner des obstacles que nous aurons rencontrés, et de la façon dont nous les aurons franchis.

Merci de l’attention que vous portez à cette initiative, bien cordialement.

L’auteur est la présidente de " Rencontres Psychanalytiques ".

ANNE GANIVET-POUMELLEC : " Souffrances au travail "

J’ai suivi, comme beaucoup, les " entretiens d’actualité " jusqu’au point où ils en sont avec un intense intérêt. Entre autres, parce qu’il m’arrive de recevoir des patients s’adressant à Souffrances au Travail.

Nous sommes une poignée de psychanalystes à recevoir dans le cadre de cette association, membre du RIPA.

Notre offre est concrétisée par une plaquette diffusée principalement auprès des inspections du travail et par un site Internet.

Le fonctionnement se veut brigade légère, sans local ni ligne de téléphone dédiée. Chacun communique ses coordonnées et reçoit dans son cabinet. Les personnes reçues ainsi, le sont gratuitement, le temps qu’il faut, elles savent toujours qu’elles sont reçues dans le cadre de Souffrances Au Travail, certaines souhaitent faire des dons à l’association.

Ils arrivent que des patients continuent avec l’analyste rencontré, sortant alors du cadre de SAT.

Une réunion clinique réunit les membres de SAT une fois par mois avec un collègue extime, ses interventions sont précieuses.

Plusieurs cas font l’objet de contrôle comme il est d’usage dans le champ freudien, suivant la pratique de l’analyste concerné.

Donc, pas de subvention. Néanmoins, nous ne sommes pas sans avoir affaire à un autre discours que celui de l’analyste.

L’existence de notre association est connue des inspecteurs et contrôleurs du travail de Paris et Région parisienne à qui il arrive de nous adresser des salariés en souffrance. Nous avons des contacts avec des médecins du travail, des syndicats…

Plusieurs points se dégagent :

- Nous n’avons pas un succès fou, nous ne sommes pas submergés par une demande à laquelle nous aurions du mal à faire face, par contre cette demande s’écoule en filet régulier depuis le début.

- La position des acteurs du dispositif régnant avec qui nous avons affaire n’est pas confortable. Chacun sait qu’on souffre dans les inspections du travail depuis plusieurs années. Les syndicats sont en perte de vitesse. Les médecins du travail s’intéressant aux symptômes des salariés sont dans un certain malaise, cf. Les articles récents parus dans Libération et Le Monde sur Marie Pezé.

- La position des sujets qui viennent nous trouver est singulière, pour certains se saisir de notre offre va jusqu’au récit de cas, voire de leur cas, ils fréquentent les colloques que nous organisons. Ceci est pour moi une question qui résonne…

CLAUDE VIRET : " Aréa "

Aréa, association loi 1901 créée en juillet 2001 à Dijon par un membre de l’Ecole, a commencé ses activités en mars 2002.

Son objet

-Recevoir pour des entretiens à orientation psychanalytique des adolescents, des jeunes adultes (11-25ans), leurs parents ou responsables, sans paiement demandé.

-Assurer un séminaire bi mensuel de recherche des consultants. Un séminaire mensuel animé par les membres d'Aréa. Ce séminaire est ouvert aux psychologues, internes en psychiatrie, personnel de la vie scolaire, travailleurs sociaux. Il est agréé dans le cadre du DSE de psychiatrie.

-Organiser des conférences, débats, colloques. Ils réunissent des partenaires politique – Conseil Général, Mairie – et institutionnels – PJJ, Médico Social – avec un large public et des membres de l’ECF invités. Nous développons et privilégions les connexions artistiques et universitaires.

Financement

Area a bénéficié d'une subvention du Fonds d'Aide à la Qualité des Soins de Ville (FAQSV) puis de la Dotation Régionale de Développement des Réseaux (DRDR) depuis sa création jusqu'à mai 2006. Ces deux fonds sont gérés par l'Union Régionale des Caisses d'Assurance maladie (URCAM) et l'Agence Régionale d'Hospitalisation (ARH). Ces subventions ont permis de financer un poste de consultant et un de secrétariat, le fonctionnement, les locaux, un fond de documentation. Ces financements obéissent aux règles en vigueur pour des projets précis pour cinq ans au plus. Depuis juin 2006 Aréa n’a plus de salariés. Aréa est subventionnée que par la Ville de Dijon et la Communauté Urbaine qui, dès 2002, a mis à disposition gratuite les locaux et alloue une subvention de 5000 euros qui assure le fonctionnement. Les consultations et le secrétariat sont assurés de façon bénévole.

Nous recherchons des subventions qui ne nous lient pas dans des obligations contractuelles, entre autre des évaluations.

Organisation et fonctionnement

- Le Bureau : il est composé de cinq membres de l’ECF ou de l’ACF dont trois assurent avec le secrétaire la recherche de subventions.

- Consultants: les 16 consultants sont membres de l’ECF, de l’ACF ou du CERCLE. Ils participent activement aux travaux de l’Antenne Clinique de Dijon

- Heures de consultation : 40 heures par semaine, six jours sur sept.

- Secrétariat : 15h hebdomadaire.

Depuis octobre 2008 Aréa a reçu un agrément en tant que prestataire de Formation. Certains membres d’Area ont participé à la formation de travailleurs sociaux, et de CPE de l’Education Nationale et de l’Enseignement Agricole. Depuis mai 2008 Aréa est agréée par la DRASS en temps que Centre de Santé. Dans ce cadre les rencontres effectuées par les médecins membres d’Aréa sont prises en charge par la CPAM assurant ainsi une autonomie financière.

Nos demandes d’agrément sont fonction de l’évolution locale et nationale des Politique de la Ville.

Quelques chiffres

Depuis mars 2002 : 1723 personnes reçues dont 1476 adolescents et jeunes adultes ; nombre d’entretiens : 6085 ; délai moyen entre appel et rendez vous : 7 jours. Par an : 200 nouveaux adolescents et 1000 entretiens. En 2007 55% des nouveaux ont été adressés par le personnel de la vie scolaire ou des travailleurs sociaux (assistante sociale et éducateurs) ; 22,8% par des médecins ; 22,2% sont venus par le bouche à oreille.

Effets

Nous notons trois effets :

Au niveau des consultants : une mise au travail avec un double nouage : entre " anciens " et " nouveaux " ; entre la pratique à Aréa et les travaux de l’Antenne Clinique de Dijon et du CERCLE.

Au niveau des adolescents : un effet de surprise, en venant à Aréa il ne leur est pas demander de se raconter ou de consommer. Entre I et " a " il s’agit pour beaucoup de trouver un nouage qui reformule la question des identifications propre à ce moment de la vie. S’il y a remaniements, il s’agit peu d’effets thérapeutiques rapides, mais de solutions singulières se réglant " sur le temps qu’il faut " pour chacun.

Au niveau de la Cité : un effet de réveil : là où les activités de l’ACF ne faisaient plus questions dans la Cité, la proposition d’Aréa a d’emblée déchaînée des passions contradictoires. C’est le champ politique qui se trouve interpellé par les demandes de subventions, par les pratiques " hors des murs " traditionnelles.

Projet

Nous souhaitons qu’Area puisse participer activement au RIPA et intervenir à PIPOL 4

Le 16 novembre 2008

PUBLIÉ 74 RUE D’ASSAS À PARIS 6è PAR JAM