dimanche 14 décembre 2008

Entretiens d'actualité n°32

"Psychanalyse et Société" ; "L’Autre méchant"

F. Biagi-Chai : La procédure de la passe

ENTRETIENS D’ACTUALITÉ

32

le vendredi 12 décembre 2008

diffusé sur ecf-messager & archivé sur forumpsy.org

ÉDITORIAL

L’année 2009 commencera avec deux événements marquants, qui auront lieu le samedi 31 janvier et le dimanche 1er février : le colloque "Psychanalyse et Société", préambule à la Rencontre PIPOL IV à Barcelone ; la "Conversation sur l’Autre méchant", organisée par l’Institut du Champ freudien.

COLLOQUE "PSYCHANALYSE ET SOCIÉTÉ" (Vers Barcelone)

Samedi 31 janvier 2009, 9 h-17 h 30, École Normale Supérieure, Amphithéâtre Jules Ferry, 29, rue d’Ulm, 75005 Paris.

Ce colloque est organisé par Judith Miller et la commission PIPOL IV, avec la collaboration du RIPA (Réseau d’institutions de psychanalyse appliquée)

Ce colloque, sous un titre peu banal, nous invite à contribuer à une tâche actuellement en cours : penser comment la psychanalyse peut s’inscrire sans céder sur ses finalités dans le monde contemporain, afin de prendre la place qui lui revient dans le XXIe siècle.

Cette tâche est essentiellement celle des Écoles du Champ freudien, mais cela ne dispense pas les instances qu’elles vectorisent d’y contribuer. Plus elles prendront en compte les enseignements de la passe, plus vaste sera le champ des applications de la psychanalyse à la thérapeutique, disait le Président de l’ELP, Xavier Esqué, au Congrès de l’AMP en avril 2008.

L’époque fait de l’analyste un objet nomade, et de la psychanalyse une installation portable (J.-A. Miller, "Vers PIPOL IV"). Ces nouvelles figures rendent compte de la mise en place d’un lieu analytique, le lieu Alpha, où le discours analytique se confronte au malaise de la civilisation, et se propose d’en traiter les symptômes. L’un d’eux est la désinsertion, qui sera le thème de PIPOL IV. (…)

Inscriptions

Individuelle : 50 € par chèque à l’ordre du Champ freudien, 74, rue d’Assas, 75006 Paris.

Formation Médicale Continue : 70 € – Formation permanente : 150 €. S’adresser à UFORCA Secrétariat général, 15, place Charles Gruet, 33000 Bordeaux, uforca@wanadoo.fr, fax : 0556511625.

CONVERSATION SUR L’AUTRE MÉCHANT

Sous la présidence de Jacques-Alain Miller se tiendra à la Maison de la Mutualité, à Paris, le 1er février 2009, la Conversation sur l’Autre méchant.

Le thème sera traité à partir de récits de cas cliniques de Miquel Bassols, Carole Dewambrechies-La Sagna, Antonio Di Ciaccia, Philippe De Georges, Jean-Daniel Matet et Alfredo Zenoni.

D’évidence, l’Autre méchant évoque la paranoïa, la certitude d’être visé par l’Autre. Avant que le délire ne soit constitué, cet Autre est présent sans que le sujet ne puisse donner sens à cette irruption énigmatique. La parole la plus anodine peut révéler une mauvaise intention, la passion amoureuse peut virer à la persécution, célèbre transformation freudienne du "je l’aime" en "il me hait".

Mais l’Autre méchant n’est pas toujours un individu, il peut être aussi l’organe qui vous taraude dans l’hypocondrie ou le surmoi qui vous dévore dans la mélancolie.

Mais la méchanceté de l’Autre est-elle réservée à la psychose ? La plupart du temps, elle est banale. Elle est constituante du sujet. Suivant le stade du miroir de Lacan, le moi humain c’est d’abord l’autre, et le moi se constitue de cette rivalité primordiale avec l’autre, qui dans le registre du narcissisme est de l’ordre du "c’est lui ou c’est moi". Le langage vient pacifier cette lutte à mort dans la névrose mais il en reste toujours quelque chose et tout sujet a toujours un peu l’autre à l’œil pour les meilleurs raisons. L’ambivalence amour-haine de l’obsessionnel à l’égard de l’Autre et de son désir, le reproche et l’insatisfaction que l’hystérique met sur le dos de l’Autre, en sont autant de modalités mineures.

La clinique de l’Autre méchant est donc multiple et variée, elle appelle des distinctions fines.

Maison de la Mutualité, Salon Jussieu-Monge, 24, rue Saint Victor - Paris Ve

Dimanche 1er février 2009 de 10 h à 13 h et de 15 h à 18 h

BULBULLETIN D’INSCRIPTION à adresser à :

UFORCA - 15 place Charles Gruet - 33000 Bordeaux

o INDIVIDUELLE : 70 €

o FORMATION MEDICALE CONTINUE : 90 €

Nom & prÉnom :

Adresse :

Code postal : Ville :

TÉl. : Fax : Email :

Profession :

o FORMATION PERMANENTE : 170 €

Nom & prÉnom :

Adresse :

Code postal : Ville :

Institution :

Adresse complÈte de l’institution :

TÉl. : Fax : Email :

Nom du responsable Formation Permanente :

FRANCESCA BIAGI-CHAI : Retour sur la procédure de la passe

Après une année de suspension de l’expérience, et l’accent progressivement mis du côté du malaise dans la civilisation, force est de constater que de nombreux collègues ne s’y retrouvent plus dans la signification de la passe, comme dans la procédure inséparable de son accomplissement et consubstantielle à son fonctionnement.

A partir du secrétariat de la passe, l’occasion m’a été donnée de constater cet émoussement des repères chez certains postulants et passeurs. Un degré d’idéalisation de la passe me semblait augmenter de manière inversement proportionnelle à une forme de méconnaissance de celle-ci issue de l’usage du signifiant qui en a peut-être usé la réalisation.

C’est ce qui dans l’axe d’un recentrage sur l’Ecole proposé par Jacques-Alain Miller me conduit à formuler ce retour sur la procédure qui rend possible ce dont il s’agit.

"Il va s’agir de structures assurées dans la psychanalyse et de garantir leur effectuation chez le psychanalyste", affirme Lacan dans sa proposition de 1967 sur le psychanalyste de l’Ecole1.

La limite à la théorie, c’est qu’elle ait à se vérifier chez l’analyste comme résultat de la cure, c’est là que le réel fait objection à la formation conçue comme discours de l’université ou apprise comme savoir-faire dans le discours du maître.

Avec la passe Lacan invente un dispositif qui permette de saisir ce qu’il en est du discours de l’analyste, donc sans procéder à partir du discours du maître. Il élabore un dispositif d’un Autre ordre, en rapport avec l’Autre barré. Avec la barre, le trou, aux commandes, l’analyste livre cette réponse ni idéale, ni cynique à la faille dans l’Autre : le désir de l’analyste.

La passe vaut alors moins comme raison scientifique d’une casuistique, qu’en tant que vérification qu’un analyste s’est "formé", laissant persister qu’il puisse y en avoir d’autres et que soit garanti le rapport à l’inconscient dans une Ecole de psychanalyse.

Depuis sa mise en fonction, différents accents ont été mis sur la passe : la passe conclusive témoignage du passage à l’analyste de l’analysant, la passe-"science", la passe "hystoire,", mais aussi "les moments de passe" ou "la passe à l’entrée". Autant de variétés qui se révèlent conformes à la non-existence de la passe comme Autre préalable mais comme Autre sans cesse produit par l’expérience même ; une passe isomorphe au champ de l’Autre barré.

Ces variétés essentielles sont possibles et à fortiori lisibles à condition que la procédure, où le trou, l’inconsistance de l’Autre sont en fonction, demeure quant à elle constante et inchangée.

C’est ce qui fait la passe Une.

Le passeur est la passe, indique Lacan, au moment où le passant la franchit. A cette place, il peut entendre les reliefs, les constructions du passant faisant lui-même dans sa cure l’expérience du désêtre non sans appartenance au discours analytique où s’établit la différence avec toutes les formes de nihilisme. Aussi, est-il le mieux situé pour transmettre l’épaisseur d’une modification qui va de l’impuissance du symptôme et sa résistance au réel par la démesure imaginaire à l’impossible comme démonstration et consentement au réel.

Mais pour que ce témoignage le traverse comme passeur, il ne peut vouloir occuper cette place. Elle lui est indiquée par son analyste. Celui-ci est un AME et ce titre par lequel l’Ecole reconnaît l’analyste "ayant fait ses preuves" est lui aussi attribué sans avoir été prétendu. Enfin, point de ligne droite, un deuxième passeur élargit l’espace du témoignage.

Cette procédure, dont la durée est à la charge du passant, en mettant l’accent sur ce qui passe, délivre au cartel un savoir assez épuré des effets imaginaires, elle opère une véritable subversion de la séduction par lalangue. Une psychanalyse transmise par Lalangue du passant au cartel n’est pas sans conséquences. Le cartel, dans le vide de la cooptation et de la hiérarchie, "ne peut donc s’abstenir d’un travail de doctrine, au-delà de son fonctionnement de sélecteur"2. Dans la négation qui implique la nécessité, se loge le rapport du cartel à la cause et l’avancée du discours.

Pour conclure, j’interrogerai la place et le rôle du secrétariat, première étape pour celui qui demande à faire la passe. On a pu dire que le secrétariat avait la fonction de filtre discret ; en réalité, il est tout entier pris dans la logique et la topologie de la passe. La demande adressée par écrit concède encore un peu au formalisme détaché de sa réalité subjective. La rencontre avec un secrétaire de la passe induit une mise au point pour le postulant lui-même et dénude une signification de sa demande qui parfois n’est pas celle qu’il croyait. Le secrétaire supposé par le signifiant passe à une fonction d’accueil inédite, d’une demande qui ne l’est pas moins opère comme un révélateur au service de cette mise au point. Bernard Seynhaeve nommé récemment AE en a rendu compte, sa rencontre avec Yasmine Grasser lui a permis de commuer la décision en acte.

C’est auprès du secrétariat que se fait le tirage au sort des passeurs et que la procédure s’engage, ensuite il n’y pas de retour, de jonction entre les passeurs et le secrétaire. La passe met en marche une circulation de savoir vers, vers l’Autre, sans rien attendre d’une complétude. Isoler ce qu’il en est du discours analytique comme le voulait Lacan, voilà qui est urgent.

1. Jacques Lacan, "Proposition sur le psychanalyste de l’Ecole", Autres écrits, Seuil, 2001, p. 243.

2. Ibid., p. 256.

PUBLIÉ 74 RUE D’ASSAS À PARIS 6è PAR JAM